Nom véritable | Raymond Lévesque |
---|---|
Aussi connu sous | -- |
Naissance | 1928-2021 |
Carrière professionnelle | 1948-2021 |
Pour Raymond Lévesque, comme pour beaucoup d'artistes de la première moitié du XXième siècle, la chanson fut d'abord une affaire de radio et de scène avant d'être du domaine de la discographie. En 1948, alors qu'il est garçon de table dans divers cabarets où il lui arrive de s'installer au piano entre les spectacles, il remporte le concours Les talents de chez nous à la radio de Radio-Canada. L'année suivante, il y coanime une émission avec Serge Deyglun et Jeanne Maubourg, intitulée Grand-maman Marie tandis qu'une de ses oeuvres "Il faut croire aux chansons" devient la chanson thème de Baptiste et Marianne, dont les vedettes sont Jacques Normand et Monique Leyrac. C'est aussi en 1949 que le très populaire Fernand Robidoux, lors d'un séjour à Londres, enregistre une dizaine de ses textes et musiques dont cinq seront éventuellement gravés sur disques.
En 1950, Raymond prend l'antenne à CKAC où il anime l'émission Paulette et Raymond en compagnie de Paulette de Courval. En 1951, il présente ses propres compositions à CHLP dans le cadre du rendez-vous hebdomadaire Raymond Lévesque et ses chansons. Il se produit aussi au cabaret Le Saint-Germain-des-Prés et fait ses premières apparitions à la télévision naissante dès la saison 1952-1953 en compagnie de Colette Bonheur et de Juliette Béliveau. Artiste multidisciplinaire, il joint l'humour à la chanson et s'illustre bientôt au théâtre dans la pièce Zone de Marcel Dubé en 1953 et s'y mérite le Prix de la meilleure interprétation dramatique suite à sa prestation dans le personnage de Moineau.
Au printemps 1954, Serge Deyglun et Raymond Lévesque décident de tenter l'aventure parisienne et s'embarquent pour la France. Si le premier revient quelques semaines plus tard, son camarade poursuit l'expérience et devient un habitué des boîtes de Montmartre. Il enregistre bientôt un premier EP de quatre chansons chez le producteur Eddie Barclay. Un copain d'exil, l'américain Eddie Constantine reprend une de ses chansons "Les trottoirs" qui devient un succès chez les disquaires puis c'est au tour de Dominique Michel, elle aussi de passage en France, de graver "Une petite canadienne". Suite à ces premiers succès, les chansons de Raymond Lévesque deviennent de plus en plus courues: Bourvil, célèbre comédien chanteur, enregistre "Monsieur Balzac"; Guylaine Guy, autre québécoise faisant carrière en France, interprète "À Rosemont sous la pluie".
Les actualités de plus en plus troublantes qui entourent le début de la guerre d'Algérie inspirent au chansonnier un appel à la paix et à la fraternité universelle. "Quand les hommes vivront d'amour" est aussitôt reprise sur disque par son ami Constantine qui en fait un succès encore plus grand que "Les trottoirs". Au fil des ans, "Quand les hommes vivront d'amour" deviendra une chanson référence du répertoire québécois aussi bien que dans toute la francophonie. Après avoir terminé une tournée avec la troupe d'Annie Cordy, Raymond Lévesque effectue un retour au Québec à la fin de 1956. Il n'y fait qu'une brève escale, le temps de se produire dans quelques cabarets et retourne en France pour un deuxième séjour qui se prolonge jusqu'en décembre 1958.
À peine est-il débarqué à Montréal qu'une grève des réalisateurs paralyse le réseau de télévision publique, la seul antenne montréalaise francophone accessible à ce moment. Comme plusieurs autres artistes, on le voit participer à des spectacles de soutien aux grévistes comme "N'ajustez pas vos appareils!". En mai 1959, il se joint à un noyau d'auteurs compositeurs interprètes qui désirent créer leur propre boîte où la chanson québécoise serait à l'honneur. Claude Léveillée, Hervé Brousseau, Jean-Pierre Ferland, Clémence Desrochers et le pianiste André Gagnon deviennent ses partenaires sous le nom des Bozos, en hommage à la chanson de Félix Leclerc. La boîte à chansons Chez Bozo devient un lieu d'intense activité musicale et le nouveau rendez-vous des artistes français de passage à Montréal. Les prochains enregistrements du pionnier sont d'ailleurs effectués sur place: "Les beans à m'lasse", "Le chum à maman", "La montagne" et "Quand on a du foin" reflètent bien l'ambiance qui règne, rue Crescent.
En novembre de la même année, une autre boîte ouvre ses portes à Val-David. Il s'agit de la Butte à Mathieu et Raymond sera un des premiers à s'y produire. En 1961, il y présente pendant toute la période estivale une revue incluant chansons, comédie et intrique théâtrale. Cette formule est fort appréciée et deviendra une tradition annuelle à la Butte pendant le reste de la décennie.
Malgré une production constante et une réputation bien établie, ce n'est qu'en 1962 qu'on peut trouver les chansons de Raymond Lévesque réunies sur un microsillon. Sous le titre "Chansons et monologues", celui-ci contient ses plus grands succès, quelques nouvelles chansons et quatre monologues qui viennent rappeler le volet satirique du chansonnier. Au fil des années, son regard se fait de plus en plus critique et tranchant, ses chansons de plus en plus engagées socialement. En 1965, Pauline Julien lui consacre un album complet tandis que lui-même voit un de ses spectacles à la Butte gravé sur disque. Des thèmes comme "Le chômage" ou "Séparatisme" indiquent ses prises de positions de plus en plus ouvertes et son nouveau succès "Québec, mon pays" témoigne bien de sa démarche politique. Celle-ci se poursuit en toute lucidité, le poète gardant un oeil critique à l'endroit même des gens et des causes qu'il appuie.
En 1967, paraît un troisième album "Après 20 ans" où l'on peut à nouveau constater son souci des petites gens, de ceux qui sont souvent les oubliés de l'histoire. Les chansons "À nos morts", "Poètes inconnus" et surtout "Bozo-les-culottes" sont de vrais réquisitoires pour les ti-cul de la terre et de son pays, tandis que "Paulin", "La folle jeunesse" et "Au temps qui ne revient plus" sont empreintes d'une infinie nostalgie. Pendant les années qui suivent, "Bozo-les-culottes" devient une des chansons-étendards qui accompagnent les manifestations syndicales et politiques de plus en plus nombreuses. Ses paroles, qui évoquent le raz-le-bol d'un type condamné pour s'en être pris à un monument, prennent un sens encore plus aigu avec l'escalade qui mène aux tragiques événements d'octobre 1970, suite auxquels des centaines de citoyens sont emprisonnés pour délit d'opinion.
Lors du spectacle "Poèmes et chants de la résistance 2" à l'encontre des mesures de guerre imposées à cette occasion, qui se tient au Gésu en janvier 1971, Raymond Lévesque est un des participants les plus remarqués à cause du monologue intitulé "Kommandantur" qui s'avère un véritable réquisitoire contre toute forme de guerre, quel qu'en soit le motif. "La guerre n'est pas un métier" clame-t-il avant de conclure "Nul n'est tenu de servir la guerre." Lors de ses prestations publiques, qui se font nombreuses au début des années soixante-dix, il accorde de plus en plus d'importance à cette autre forme d'expression. Mais les monologues de Raymond Lévesque sont beaucoup plus graves que ceux des humoristes et reflètent à la fois l'urgence et le réalisme qu'on retrouvait déjà dans ses chansons. Il est aussi de la partie lors des "Poèmes et chants de la résistance 3", à l'été 1973, en protestation contre l'emprisonnement des chefs des trois grandes centrales syndicales au Québec, puis à "L'automne-Show" en appui aux travailleurs de la compagnie United Aircraft en octobre 1974. L'année suivante, il enregistre un disque complet de chansons en hommage à la classe ouvrière: "Raymond Lévesque chante les travailleurs". Commandité par la FTQ (Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec), l'album contient tout de même parfois des textes désillusionnés. La chanson "Les militants" est particulièrement lucide à cet égard.
En 1977, il grave ce qui allait devenir son dernier album de nouvelles chansons "Le p'tit Québec de mon coeur". Récipiendaire du prix Témoignage au deuxième gala de l'ADISQ, en 1980, il continue de tourner dans les rares boîtes à chansons encore en activité jusqu'en 1986, alors que sa surdité l'oblige à mettre un terme à sa carrière sur scène. La même année, il est le premier lauréat du Prix CIEL/Raymond Lévesque décerné annuellement à un auteur compositeur dont l'oeuvre a été marquante bien que discrète. Un autre hommage lui est rendu en 1990 par celui qui fut son premier interprète sur disque, Fernand Robidoux et par son fils Michel. Le père y chante et le fils ajoute des adaptations instrumentales de six chansons choisies parmi le répertoire de Lévesque. Bien que retiré de la scène, celui-ci continue cependant d'écrire poèmes, romans et autres récits, dont un écrit autobiographique intitulé D'ailleurs et d'ici.
Sa chanson "Quand les hommes vivront d'amour" a été enregistrée par des dizaines d'interprètes, dont le trio d'un soir formé de Félix Leclerc, Gilles Vigneault et Robert Charlebois à l'occasion de l'ouverture de la SuperFrancofête, en août 1974. Elle a également été désignée par vote populaire comme chanson québécoise du siècle, lors de la réouverture du Capitole de Québec en 1992 et votée plus belle chanson des 50 dernières années par les auditeurs de Radio-Canada dix ans plus tard. Pour souligner les 50 ans de la première parution de cette chanson emblématique (par Eddie Constantine qui en enregistra aussi une version allemande), un album contenant plusieurs interprétations marquantes de ce titre ainsi le la Musicographie du poète diffusée en primeur sur les ondes de MusiMax, est publié au printemps 2006 sous le titre "Quand les hommes vivront d'amour - 50 ans".
Outre sa carrière d'interprète, d'auteur compositeur et d'écrivain, Raymond Lévesque a joué dans ses propres revues, de nombreux téléromans et les pièces de théâtre Zone et Médée de Marcel Dubé; il s'est frotté au cinéma dans Deux femmes en or, Après-ski, et a tenu des rôles remarqués dans Ti-Mine Bernie pis la gang de Marcel Carrière, Panique de Jean-Claude Lord ainsi que dans le film culte de Pierre Harel, Bulldozer. Une sélection de ses chansons a récemment fait l'objet d'un album de la "Collection Québec Info Musique", sur étiquette Experience.