Notre reporter Richard B. a vécu l'expérience Kaïn lors du passage du groupe au Petit Champlain, fin septembre, et en est à peine revenu.
13 octobre 2005 (QIM) – Oubliez la Bible. Oubliez « l'oeil dans la tombe » de Victor Hugo, oubliez le « poète saoul engueulant l'univers » à la Jim Morrison. Il s'agit plutôt d'un Kaïn ivre de musique et défiant le rock dans ses avatars erratiques. Notre collègue a prêté ses oreilles et son attention à ce qui est peut-être la dernière chance du rock québécois.
Rock, Kaïn l'est dans son essence première. Dès la troisième ou quatrième chanson de leur prestation, le porte-parole et chanteur Steve Veilleux remet les choses en perspective: « On ne veut pas changer le monde, on veut le faire danser ». Il échappe même un n' roll dans son petit laïus! Bien sûr il ne s'agit aucunement des pas acrobatiques à la façon des fans de Bill Haley, ni même des chorégraphies pépères qu'on associe aux adeptes de country avec qui ils partagent pourtant le goût de « ... rouler sans but, prendre le bord » ou d'être « Johnny Cash jusqu'au matin ».
Québécois, Kaïn l'est aussi mais dans les faits plus que dans le discours. Déjà on se réjouissait de leur chanson-à-répondre bourrée d'adrénaline "Christophe Colomb" qui culmine en fin d'album sur "Nulle part ailleurs". Il faut aussi les entendre s'approprier un "Swingnez votre compagnie" de Ferland, mâtiné de "Danse à St-Dilon" de Vigneault tandis que leur équipe technique s'adonne à une chaîne des hommes de la plus intense tradition. Pendant ce temps-là, la salle entièrement debout depuis un bon moment s'exprime de différentes façons: certaines le font par le langage du pogo tandis que d'autres battent la cadence ou se contentent de se dandiner. Dans de tels moments, les drapeaux seraient tout à fait superflus!
Les chansons du groupe, puisées à leurs deux albums, semblent toutes connues de l'auditoire: "Caravane". "Mexico", "Embarque ma belle"... Un auditoire qui en redemande - d'ailleurs les deux soirs qui affichaient complet se voient gratifiés d'une seconde supplémentaire en février 2006, après un premier ajout le 15 octobre. L'expérience Kaïn vécue par notre compère doit d'ailleurs autant au public présent au Petit Champlain, une salle de 230 places, qu'à l'excellente présence des musiciens. Par moments, la rumeur de la foule se faisait douloureuse pour les tympans. On raconte que les cris stridents des milliers de fans à l'âge de la préadolescence étaient insupportables à l'époque de la beatlemania; l'impact sonore de quelques centaines de personnes, la plupart étant des femmes dans la vingtaine ou la jeune trentaine laisse songeur...
La clé du succès de Kaïn s'explique d'une seule façon: le plaisir partagé. Là où d'autres misent sur la puissance, les effets de mode, la provocation, l'intellect ou la sophistication BCBG, les quatre musiciens communiquent leur plaisir en toute complicité et ne se gênent pas pour proclamer leur reconnaissance aux fans qui viennent aux spectacles et qui « achètent encore nos disques ». Sans vouloir entrer dans le jeu du jet set, des critiques ou des « prolifrics », les p'tits gars laissent aussi entendre au gré des refrains qu'ils ne sont pas dupes: les Platonistes mont-royalais seront à même de dire si les flèches décochées "Jusqu'au ciel" sont méritées. Vraiment, une soirée avec Kaïn est un événement. Mais apportez tout de même des bouchons auriculaires, juste au cas où!