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Vox populi, un concert hommage à la démocratie

Une collaboration de Jean-Marc Gaudreau

16 mai 2006 (QIM) – La Société de musique de chambre de Québec, en collaboration avec le Musée de la civilisation, présente à chaque année ses Concerts des quatre jeudis. La grande originalité de cette formule tient au fait que chaque concert s'inspire d'une exposition en cours au musée. Le jeudi 4 mai dernier, la direction artistique avait jeté son dévolu sur « Vox populi, une réflexion sur la démocratie » et choisi quatre compositeurs ayant souffert d'atteinte à leurs droits démocratiques. Richard Strauss, Anton Webern et Arnold Schönberg, trois allemands ayant connu des démêlées avec le régime fasciste hitlérien et Dmitri Chostakovitch en butte, pour sa part, au régime stalinien.

C'est un geste très audacieux, de la part des directeurs artistiques, de nous avoir concocté un programme avec uniquement des oeuvres du XXe siècle, le 4 mai dernier. Mais le pari a été remporté haut la main, car plus de 200 mélomanes s'étaient donné rendez-vous dans le décor enchanteur de la Chapelle du Musée de l'Amérique française, pour le dernier concert de la saison. Ce n'est peut-être pas un record, mais c'est mieux que les 50 personnes qui se déplacent généralement pour un concert de musique de chambre contemporaine. Pour interpréter les pièces retenues, des instrumentistes prestigieux tel Jonathan Crow, violon solo et plus jeune musicien de l'Orchestre symphonique de Montréal ou Yehonatan Berick, professeur de violon à l'Université McGill et depuis 2002 à l'Université du Michigan. À leurs côtés, d'autres grands talents: Grégory Hay, altiste, Sylvain Murray et Molly Read, violoncellistes et Michelle Seto, violoniste.

Première oeuvre au programme, le "Sextuor à cordes" extrait de l'opéra "Capriccio" de Richard Strauss. Servant d'ouverture à l'opéra, cette pièce est devenue au fil du temps un morceau de concert à part entière. Pour enchaîner, le "Quatuor à cordes no 8 en Do mineur, op. 110" de Dmitri Chostakovitch. Loin d'avoir un côté rébarbatif, ces deux oeuvres, dotées d'un fort beau lyrisme, ont été rendues avec magnificence et splendeur. De la grande interprétation.

Troisième oeuvre au programme, le "Langsamer Saltz" (Mouvement lent), pour quatuor à cordes de Anton Webern, écrite en 1905 mais créée seulement en 1962, 15 ans après la mort du compositeur. Une oeuvre permettant de découvrir une facette moins connue de l'un des fondateurs du dodécaphonisme. Et pour terminer la soirée, l'émotion et le ravissement étaient au rendez-vous avec le sextuor à cordes "La nuit transfigurée" de Arnold Schönberg. Cette oeuvre, inspirée d'un poème de Richard Dehmel, s'attache à exprimer les sentiments entre une femme enceinte et son amoureux, prêt à aimer cet enfant à naître, malgré qu'il ne soit pas de lui. Schönberg est magistralement parvenu à bien rendre cette transfiguration entre le premier vers du poème, Deux êtres vont à travers le froid bosquet dénudé... et le dernier, Deux êtres vont à travers la vaste nuit baignée de clarté. Ravissement est ce qui convient le mieux pour parler de cette prestation. Si bien, que les spectateurs ont longuement hésité avant de briser l'envoûtement, par des applaudissements.

La Société de musique de chambre prépare déjà sa prochaine saison avec des thématiques comme le cinéma, le Mexique, la jeune relève ou la conscience. Une belle invitation pour tous ceux qui aiment ces concerts qui non seulement nous divertissent, ce qui est déjà très bien, mais nous permettent aussi d'en ressortir grandis.