Un commentaire de Richard Baillargeon
10 juillet 2006 (QIM) – Tel qu'annoncé au programme du 39e Festival d'été de Québec, la soirée du 7 juillet 2006 réserva au public de la scène qu'on continue à surnommer le Pigeonnier, quelle qu'en soit la dénomination officielle, Une sacrée rencontre! Le principal intéressé, le poète de Natashquan qui a longtemps vécu à Québec, nous révéla d'ailleurs avoir déjà élu domicile sur les lieux même, longtemps avant que la colline n'eut été réaménagée par les urbanistes et les gouvernements. Cette pérennité des lieux, au-delà du temps et des transformations, cadrait tout à fait avec le répertoire si bien enraciné que représentent tant la démarche des Charbonniers de l'Enfer que le répertoire de Gilles Vigneault.
Une telle rencontre avait d'ailleurs eu lieu il y a tout juste un an, en juillet 2005, au Festival d'Art vocal de Trois-Rivières, rencontre qui allait faire place à quelques autres au fil des mois, mais celles-ci demeurent assez rares pour leur valoir le qualificatif d'événements! C'est donc un événement d'envergure qui fut partagé par plusieurs milliers (5, 7, 10, difficile à évaluer mais là n'est pas la question) de fervents de la chanson et d'une certaine tradition, au Parc de la Francophonie, en ce vendredi soir d'été. Gilles Vigneault et Les Charbonniers s'entendent comme larrons en foire et ça se voit. Les six artistes communiquent à ceux qui s'en approchent un mélange de joie d'être là et de fierté identitaire. Le verbe s'y reconnaître est tout à fait approprié: dès que l'un ou l'autre entame une nouvelle chanson, les voix de la foule poursuivent le couplet ou le refrain, parfois discrètement, parfois plus solennellement. Et les occasions de fredonner ne manquent pas!
Les chansons plus récentes mais aussi, dès le coup d'envoi, le répertoire maintenant classique de l'auteur-compositeur étaient au rendez-vous: "Ma jeunesse" débute a cappella, comme il se doit dans le contexte, puis le mot d'ordre est lancé avec "Larguez les amarres". Les personnages aussi sont de la fête: de "Jack Monoloy" à "Théo l'orphelin" en passant par "Berlu" et "Charlie Jos", cette pièce avec la participation au banjo de Michel Bordeleau. Ailleurs, ce sont les onomatopées ou les textes plus universels tels "J'ai mal à la terre" et le superbe amalgame entre "La tite toune" (... le coeur de l'homme a du retard, déjà la mécanique pleure) et "Tout l'monde est malheureux". Outre les voix des cinq Charbonniers et celle de Vigneault, l'équipe musicale de ce dernier, sous la direction de Bruno Fecteau, fournit aux chansons leur écrin sonore.
Un autre moment à souligner: à 22 h et des poussières, tout vêtu de noir comme ses complices, Gilles Vigneault devenait le premier et seul Charbonnier honoris causa au monde! Une complicité plus formelle se révèle lors de chansons puisées au puit de la tradition, par exemple lorsque le barde québécois entonne avec eux "Dans la ville de Paris" (où l'on reconnaît le thème et la façon de la séculaire ballade "La belle qui fait la morte pour son honneur garder") ou qu'il emprunte le porte-clef de "Sur la vignelon" pour le retrouver tout racotillé-yé-yé. Bref, comme il le mentionnait déjà au coeur des années 60 «pour un peuple sans histoire, on est plein de fun!» et ce plaisir devient particulièrement contagieux lorsque surgit le groove podorythmique et turluté qui fait depuis plusieurs années la réputation des Charbonniers de l'Enfer, dans la dernière demie-heure de cette sacrée rencontre. Encore quelques airs intemporels comme "Il me reste un pays" et "Mettez vot' parka", puis c'est déjà le temps des au revoirs et du retour final pour ces "Gens du pays" au refrain bien connu mais qu'il fait bon, de temps à autre, entendre dans son intégralité.