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Printemps Beethoven 2

Une collaboration de Jean-Marc Gaudreau

16 juin 2007 (QIM) – Le roi Louis. J'avais un peu tiqué devant ce titre du concert de Yoav Talmi et de l'Orchestre symphonique de Québec présenté les 4 et 5 avril derniers. Ce roi c'était Louis Lortie, venu interpréter le "Concerto pathétique" de Franz Liszt et les "Variations symphoniques" de César Franck. Je trouvais cette appellation un peu pompeuse et même un tantinet exagérée. N'ayant pu assister à ce concert, ce n'est que qu'au tournant du mois de juin, lors du cycle Printemps Beethoven 2, que j'ai pu réaliser, somme toute, à quel point cette appellation royale seyait bien à cet artiste québécois.

Imaginez! Dans ce cadre de cet événement exceptionnel Louis Lortie, assumant à la fois la direction de l'Orchestre symphonique de Québec et la partie piano, nous a offert en rafale les cinq concertos pour piano de Ludwig van Beethoven, trois de ses ouvertures: "Coriolan", "Egmont" et "Fidelio III", des extraits de sa musique de scène "Les ruines d'Athènes" et, en prime, la "Fantaisie sur des motifs des Ruines d'Athènes" de Franz Liszt, grand admirateur de Beethoven. Le tout en seulement trois soirs, dans la même semaine. Et comme si ce n'était pas assez, il a trouvé le temps de participer aux trois préludes au concert, offerts à ceux qui voulaient en savoir un peu plus sur les oeuvres présentées.

C'est à un travail titanesque que Louis Lortie s'était attelé car ces cinq concertos sont très exigeants pour le soliste, lui demandant de faire preuve de beaucoup de virtuosité, d'expressivité et même d'endurance. Comme il le mentionnait dans un des préludes au concert, il ne lui serait jamais venu à l'idée de relever pareil défi s'il n'avait pas été déjà familier avec ce corpus pianistique, s'y étant déjà attaqué à plusieurs reprises.

Tous les privilégiés qui ont eu la chance d'assister à ce cycle beethovénien n'ont pu que constater à quel point Louis Lortie est un artiste extraordinaire. Lorsqu'il s'installe au piano c'est tout un monde qui s'ouvre à l'auditeur, celui de la musique pure, transcendante. Et chacune des ovations, particulièrement celle qui a suivi le "Cinquième Concerto pour piano, en Mib majeur" op. 73, dit "Empereur", était plus que méritée.

Sa direction d'orchestre paraît singulière, avec ces mouvements qui s'apparentent plus à une gestuelle pianistique. Dans l'ensemble, il paraît marquer très peu le tempo, ne battant pas la mesure à la manière conventionnelle des chefs, s'attachant plus à l'expressivité musicale qu'à une belle battue. Même pour les oeuvres purement orchestrales, il a dirigé sans partition et sans baguette, démontrant une très grande concentration et une très belle vision.

Le fait que, comme pianiste, il ne pouvait à la fois diriger et jouer n'avait aucun impact sur l'interprétation, preuve que le travail en répétition avait été fructueux. Il faut reconnaître que l'Orchestre symphonique de Québec est un grand orchestre. Le chef invité pouvait donc se permettre de laisser les coudées franches aux musiciens lorsque qu'il prenait place au piano. Et tout au long de ces concerts, Louis Lortie aura pu compter sur la précieuse collaboration du premier violon de l'orchestre, l'excellent Darren Lowe, pour le seconder.

Cela aura été à chaque fois comme un doux ravissement d'entendre Louis Lortie au piano. Le dialogue qui s'instaurait entre lui et l'orchestre était un pur délice. Sa vision musicale acquise au fil des ans aura su desservir au mieux ces concertos. La cadence qu'il avait retenue pour chacun d'eux lui aura permis de faire montre de ses grands talents de virtuose. Même les musiciens ont semblé envoûtés par l'excellence de son jeu et ne se sont d'ailleurs pas gênés pour se joindre aux acclamations de la foule.

Tout au long de ce cycle, j'ai aussi découvert en Louis Lortie un très bon communicateur. Dans les préludes au concert, il a su se faire vulgarisateur, évitant un langage trop musicologique et révélant quelques dessous entourant la composition des oeuvres présentées. Il était assisté par le musicologue René Benjamin dont les propos nous auront permis de mieux situer les oeuvres dans leur contexte.

Les mots qui me viennent à l'esprit lorsque je repense à ce Printemps Beethoven 2 sont: grandeur, magnificence, émotion, majesté, virtuosité, sublimité. Et c'est peu dire. Un autre grand moment dans la vie musicale de la ville de Québec et de son orchestre symphonique qui laissera un souvenir indélébile.