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La culture québécoise est montréalaise ou elle n'est pas

Illustration plus que symbolique – Un commentaire de Alain Lacasse

5 avril 2008 (QIM) – Le refus de la Société Radio-Canada de diffuser sur ses ondes, quelles soient radiophoniques ou télévisuelles, la "Symphonie des Mille" de Gustav Mahler interprétée par l'Orchestre Symphonique de Québec fait beaucoup de vagues dans la Capitale comme en témoigne l'opinion émise par l'artiste Luc Archambault.

M. Archambault s'insurge contre la décision et les justifications de Radio-Canada pour ne pas diffuser ce concert exceptionnel qui a eu lieu le 15 mars dernier au Colisée Pepsi et qui était destiné à souligner les 400 ans de la Ville de Québec. Mais son exaspération s'est davantage manifestée lorsqu'il a appris que le diffuseur public avait pris la décision de proposer sur ses ondes un concert similaire de cette même symphonie de Mahler, en formule réduite, lors de sa présentation en septembre prochain à Montréal par l'Orchestre Symphonique de Montréal. Dans son texte, Luc Archambault y formule notamment une proposition plutôt angélique d'un lieu permanent où les élites de Québec pourraient échanger et trouver des solutions à ce qui affecte la vie culturelle du second centre en importance au Québec.

Dans son message, Luc Archambault dépeint avec justesse une situation qui pourrait s'illustrer d'innombrables façons: radio, théâtre, musique, télévision, presse écrite, spectacle, etc. On a qu'à penser au torpillage annuel de Gilbert Rozon (le Festival Juste pour Rire) contre le Festival du Grand Rire, de l'Équipe Spectra avec la Fête des Neiges contre le Carnaval et des Francofolies de Montréal contre le Festival d'été et combien d'autres encore. La liste est longue. Il y a quelqu'un quelque part qui ne semble pas croire en la cohabitation. Toutefois, je trouve dommage que certains aspects ne soient pas abordés par l'auteur. Il aurait ainsi été plaisant qu'il démontre les lobbys et intérêts financiers permettant ce genre de situation.

Allez faire un tour sur les sites Internet de l'OSQ et l'OSM, amusez-vous à comparer les conseils d'administration des deux organisations et demandez-vous par la suite qui a les membres les plus influents, efficaces et puissants. La réponse risque de vous sauter aux yeux. C'est ainsi que vous découvrirez que M. Sylvain Lafrance, vice-président principal des services français de Radio-Canada, siège comme administrateur au sein du C.A. de l'OSM. Pensez-vous qu'il est là pour ses beaux yeux? Non, il a été choisi pour remplir un mandat, atteindre un objectif. Être le lien entre l'orchestre et le prestigieux diffuseur qu'est Radio-Canada. M. Lafrance sert deux maîtres: Radio-Canada, son employeur, et l'OSM. S'il n'y a pas de conflit d'intérêts, en tout cas les apparences sont troublantes.

Face à une telle situation, quelle est, selon vous, la marge de manoeuvre des dirigeants de Radio-Canada à Québec envers l'OSQ? Certainement plus restreinte. Le grand « boss » M. Lafrance a priorisé l'OSM face à tous les autres orchestres. Cela ressemble à une directive. Règle qui doit probablement aussi prévaloir face à d'autres événements locaux comme les Fêtes du 400e de Québec, le Festival d'été de Québec et autres événements régionaux, peu importe leur envergure et leur rayonnement.

En matière culturelle, comme dans bien d'autres secteurs, on se rend compte que le maître mot est cette maxime toujours d'actualité: quand Montréal va bien, c'est tout le Québec qui va bien. C'est un modèle... qui ne marche pas. D'un simple point de vue économique, comment se fait-il que la bonne santé économique de Montréal n'ait pas d'impact positif dans plusieurs régions du Québec? Parlez-en aux gens de Chibougamau dont le quotidien n'est, présentement, nullement comparable à celui de la métropole. S'il fallait appliquer le même modèle en France, Paris aurait bouffé et détruit le Festival de Cannes, le Festival de théâtre d'Avignon, le Festival de Deauville, les 24 heures du Mans et quoi encore. C'est un modèle typiquement colonialiste.

Dans une approche imparable combinant l'union de personnes influentes, les ententes médiatiques et promotionnelles, le financement public et la faiblesse, pour ne pas dire la lâcheté, des élites locales tant politiques qu'économiques, plus intéressées à leur chèque de paye (bien des gens d'affaires font partie de Chambres de Commerce pour représenter leur entreprise ou leur employeur et cautionnent des voeux pieux sans y croire et surtout sans désir de les défendre) que par le développement culturel. Par exemple, prenez la production locale de télévision à Québec. Quand c'est rendu qu'on fait des concours pendant les bulletins d'informations locales à TVA Québec et TQS Québec, ça fait dur. C'est pire que de l'infotainment. Faut que la production régionale soit rendue bien famélique! C'est aussi aberrant que d'imaginer une poupoune interrompre le téléjournal de Bernard Derome à Radio-Canada pour faire tirer des bons d'achats ou un voyage. Certains doivent même se dire: « Qu'il n'y a plus de comédiens professionnels à Québec, ce n'est pas grave. Nous engagerons des mannequins sans talent. Ils coûtent moins cher ». Vive les annonces de l'Ami Michel. En tout cas, j'arrête ici car je pourrais m'étendre sur ce sujet pendant des heures.

En conclusion, une chose est sûre. Si vous voulez monter un événement ou un festival en dehors de la région de montréalaise, vous saurez qu'on vous appuiera jusqu'à un certain point. Ça s'appelle la clause Montréal. Il ne faut pas que votre projet affecte négativement la métropole. Si vous avez des ambitions de croissances, quittez votre région et déménagez à Montréal. La métropole, qui est obnubilée Toronto, qui l'est par New York et les autres mégapoles, se sent menacée par les ambitieux des autres régions du Québec. En attendant, lisez l'opinion de Luc Archambault, ça fait réfléchir!