Un commentaire de Roger T. Drolet
2 septembre 2008 (QIM) - Lorsque j'étais petit, je vivais du côté Ouest de la rivière Saint-Charles dans le secteur Nord de Québec. Mon premier terrain de jeux fut ce qu'on appelait le bois des Ursulines car cette communauté religieuse en était propriétaire. Magnifique forêt vierge où les saisons se succédaient magnifiquement. Mais j'étais loin de me douter que, en des temps lointains, vivait là une communauté de peaux rouges que les blancs ont appelé Hurons. Bien sûr, j'avais dans ma classe des petits camarades qui s'appelaient Bastien, Picard et Sioui mais ils n'avaient en fait que bien peu de différence avec nous, sinon qu'ils habitaient de l'autre côté de la rivière, au Village Huron. La société dominante de cette époque des années soixante a bien failli faire disparaître complètement les traces des premiers habitants du sol américain.
Aujourd'hui, la nation huronne-wendat a repris ses droits et on aurait bien tort de nous priver de leur sagesse séculaire. Le grand rendez-vous Kiugwe, présenté jusqu'au 7 septembre sur le site naturel extérieur majestueux de Wendake, à quelques minutes de route du centre-ville de Québec en est une étonnante révélation et une brillante illustration à plusieurs points de vue. Au plan historique d'abord puisque cette aventure nous met en contact avec une relecture des mythes et légendes qui ont nourri l'imaginaire des autochtones et influencé leur style de vie. Au plan artistique ensuite, puisque, dans le cadre du 400e anniversaire de la Ville de Québec, les grands moyens ont été déployés pour que les arts du théâtre, du chant, de la danse, du costume et de la musique soient conjugués et de main de maître, par le scénariste Jacques Crête; le public est ainsi transporté dans cet univers à la fois si proche et si lointain.
Le spectacle se déroule en plein air et les éléments naturels y sont partie prenante. Le tout a lieu à la tombée de la nuit. Le point de ralliement est un amphithéâtre circulaire juste en bordure de la forêt et de la somptueuse rivière Saint-Charles. Sept tableaux se succéderont alors que les artistes invitent les spectateurs à les suivre en déambulant sur différents sites adjacents, avec un soupçon de magie. D'entrée de jeu, nous sommes invités à pénétrer dans ces histoires fantasmagoriques brillamment supportées par des effets multimédias de grande qualité utilisant pleinement les caractéristiques physiques des lieux. Pour la représentation à laquelle nous avons assisté, un seul tableau a dû être annulé à cause d'un bref orage estival! Malencontreusement, celui-ci, le numéro 3, devait se dérouler sur la toiture de la petite église locale... rien de moins!
La vingtaine d'artistes embauchés sont tous excellents, sans compter les concepteurs et l'équipe de production travaillant dans l'ombre. Chapeau donc à cette initiative improbable qui se veut le trait d'union entre l'Homme rouge et l'Homme blanc dans notre époque tellement agitée où l'espèce humaine veut à tout prix dominer la planète. Message de paix et d'harmonie entre l'être humain et la nature car, faut-il le rappeler, cette société ancestrale qui ne connaissant ni le métal, ni la roue, ni l'écriture, SAVAIT que la terre n'appartient pas à l'homme mais que c'est l'Homme qui appartient à la terre. Soyons humbles et reconnaissons aujourd'hui que l'Européen n'a pas découvert l'Amérique et que nous avons encore maintenant bien des choses à apprendre de nos amis des Premières Nations. Dommage que les représentations cessent avec le début du mois de septembre. Souhaitons que cette oeuvre absolument remarquable puisse vivre encore durant de nombreuses saisons et attirer les touristes autant que nos concitoyens Québécois.