Une collaboration de Jean-Marc Gaudreau
Ballet du Grand Théâtre de Genève – Selon Désir
7 février 2009 (QIM) – Pour sa première visite au Québec, le Ballet du Grand Théâtre de Genève avait apporté dans ses bagages trois chorégraphies créées spécialement pour lui. Menacée de disparition en 2003, cette troupe connaît maintenant un succès tel qu'elle est aujourd'hui l'une des troupes les plus en demande dans le monde. Ce succès s'explique par le virage accompli par son directeur artistique, Philippe Cohen, vers la danse contemporaine.
Mais c'est un virage qui s'est fait sans renier le passé. Ainsi, "Selon désir" du chorégraphe crétois Andonis Foniadakis marie harmonieusement la musique baroque et la danse contemporaine. Sur les choeurs d'ouverture de la "Passion selon Saint Mathieu"et de la "Passion selon Saint-Jean" de Jean-Sébastien Bach, les danseurs explorent l'opposition entre l'ascension vers le céleste et la descente vers l'enracinement terrien. Nous offrant une véritable explosion d'énergie et de virtuosité, les danseurs se donnent corps et âme dans une bacchanale passionnée.
Sidi Larbi Cherkaoui recourt lui aussi à une musique baroque pour questionner la distance qui s'instaure entre les êtres, les époques et les cultures, une problématique qui tient à coeur à ce chorégraphe né à Anvers d'une mère belge et d'un père marocain. Une des grandes originalités de cette chorégraphie tient à l'alternance de passages dansés sur des extraits des "Sonates des mystères du Rosaire"de Heinrich Ignaz Franz Biber et de tirades récitées et mimées par un et puis trois, et puis sept, et puis neuf interprètes avant de devenir des monologues à 22 voix et 46 mains. Une invitation à méditer sur le pouvoir de la danse d'abolir les distances.
Ces deux ballets m'ont fait réaliser qu'il n'est pas nécessaire de recourir à un éclectisme musical nourri à de multiples courants pour créer une oeuvre contemporaine. Une belle musique, aussi ancienne soit-elle, suffit à l'occasion. Une manière aussi de nous rappeler que même les oeuvres les plus modernes ne surgissent pas ex nihilo du néant mais, bien au contraire, constituent un dialogue, un échange avec l'héritage du passé.
Pour sa part c'est sur des musiques électroacoustiques de Willi Bopp que le Japonais Saburo Teshigawara nous proposait un regard contemplatif sur les relations entre l'air, le mouvement et le temps. Son "Para-Dice" nous invitait à une méditation poétique sur une quête du paradis traversée par les lois du hasard (Dice signifiant dé en anglais). Tout comme les deux chorégraphies précédentes, une oeuvre habitée par une profonde et émouvante humanité.
C'est dans le cadre de la programmation Danse 08_09 que le Ballet du Grand Théâtre de Genève était de passage à la salle Albert Rousseau du Grand théâtre de Québec, le 2 février dernier.