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Cabaret Gainsbourg - Périscope de Québec

Un commentaire de Roger T. Drolet

18 avril 2010 (QIM) – Imaginez un véritable cabaret du temps passé, où on peut fumer, prendre un verre et se distraire en se délectant de numéros de variétés à la française dans un environnement technique très XXIe siècle! C'est un peu ce que Production Pupulus Mordicus vous propose dans ce voyage poétique inspiré du monde de cet auteur-compositeur-interprète-acteur-cinéaste-touche-à-tout français nommé Serge Gainsbourg.

Presque vingt ans après sa disparition, l'immense talent et la vie personnelle tumultueuse de l'artiste constituent un sujet en or pour les créateurs audacieux. Pourtant il peut-être risqué de s'attaquer à un monstre semblable qui attire encore un énorme capital de sympathie. Cette fois-ci, c'est réussi.

Jusqu'au 1er mai - la représentation à laquelle j'ai assisté est la première médiatique du 14 avril 2010 - au Théâtre Périscope de Québec, Cabaret Gainsbourg, une interprétation fort distrayante inspirée de la vie et de l'oeuvre de ce créateur hors-normes, du petit Lucien (son véritable nom est Lucien Ginsburg) qui aurait voulu être peintre mais qui devint musicien, comme son papa, puis chanteur et tombeur, jusqu'à ce que sa vie tourmentée l'amène à créer son double, Gainsbarre.

Le rideau s'ouvre sur un peintre qui dessine en grand format le visage de l'homme à la tête de chou, alors qu'un autre inscrit l'un des célèbres aphorismes gainsbourgeois: « La laideur est supérieure à la beauté en ceci qu'elle dure ». La magie s'installe.

Se développe sous nos sens une exploration onirique du parcours de l'artiste musicien élaborée à partir de quatorze de ses chansons, principalement celles de sa période jazz du début des années soixante, qui deviennent de petites histoires. Et comme Gainsbourg n'était pas particulièrement bel homme, les omniprésentes marionnettes et les masques à son effigie, petits et grands, se prêtent fort bien à la démesure du personnage et aux thèmes de ses chansons.

Ici et là dans la salle, les solistes apparaissent et disparaissent soutenus par les musiciens jouant live dans un coin. Délire érotico-poético-musical parfaitement contrôlé.

Pour lier l'ensemble, les artistes sur scène (Pierre Robitaille, Patrick Ouellet, Valérie Laroche, Martien Bélanger, Mathieu Doyon, Stéphane Caron et Martin Genest) touchent à tout: dessin, chant, danse, animation, manipulation et effets spéciaux. Le mélange, fort diversifié, où les artistes bougent, chantent et s'accompagnent en se collant le plus possible aux arrangements originaux, offre une belle suite de moments drôles, tendres, coquins tels que l'inspirateur ne renierait pas. Une mise en scène inventive signée Martin Genest.

Mais n'ayez crainte, nul besoin de bien connaître le parcours du beau Serge pour être complice des protagonistes en scène. Les tableaux parlent d'eux-mêmes et les clins d'oeil biographiques sont très subtils. Parmi les plus réussis, je mentionne celui sur "Les sucettes" et l'autre développé autour de "69 année érotique".

Seulement quelques petits problèmes de prise de son pour les voix rendent parfois difficile l'audition des textes. L'ensemble est bien développé et très divertissant.

Je termine sur une note humoristique et véridique: non, Gainsbourg n'est pas mort car il disait lui-même: « Je bois et je fume. L'alcool conserve les fruits; la fumée conserve la viande... »!