Un commentaire de Roger T. Drolet
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Totem: le site officiel
2 août 2010 (QIM) – La signature du Cirque du Soleil est sans égale. Ses moyens techniques sont fabuleux. L'imagination des artisans qui conçoivent et exécutent les nombreux spectacles de l'entreprise, à l'échelle planétaire, repousse constamment les limites de la création.
Totem, la plus récente aventure scénique sous grand chapiteau du Cirque est née cet été au Québec. D'abord présentée à Montréal, cette grande fresque évoquant certains faits marquants de l'aventure humaine est maintenant à l'affiche dans la Capitale et ce jusqu'au 29 août prochain.
Il était écrit dans le ciel que le Cirque et le grand créateur Robert Lepage pourraient produire de grandes choses ensemble. Déjà, le spectacle Kâ, présenté à Vegas, porte sa signature. Il récidive ici avec brio.
Pour concevoir et développer la thématique de Totem, et les moyens de l'illustrer, Lepage était l'artiste tout indiqué. Dans une approche empirique comme l'exige un grand spectacle populaire, l'auteur et metteur en scène réussit en douce à instruire le public sur plusieurs moments charnières de l'histoire de l'Homme sur terre, dans la mer et dans les airs. Ainsi l'Afrique, les créatures préhistoriques et jusqu'à la culture scientifique européenne apparaissent sous les traits d'artistes et d'athlètes à faire rêver les plus désabusés d'entre nous. La théorie de l'évolution de Darwin, ce n'est pas vraiment simple à expliquer mais l'humain est dorénavant capable de l'enseigner à travers l'art. Ceci explique cela et ici, l'émotion prend forme dans le mouvement, la lumière et le son, magnifiquement.
Et comme Lepage, maintenant reconnu sur plusieurs continents, n'est jamais bien loin de Québec, sa ville natale, l'occasion était toute indiquée pour introduire dans Totem la culture amérindienne, encore bien vivante à Wendake, tout près de la Capitale. Et c'est dans cette communauté qu'il repéra Christian Laveau, chanteur et instrumentiste huron-wendat lors d'une représentation de Kiugwe, spectacle mémorable sur les légendes amérindiennes. Plusieurs tableaux visuels rendant hommage aux Premières Nations et des chants interprétés par Laveau sont au coeur l'oeuvre. Il y chante d'ailleurs dans sa langue retrouvée que, malheureusement, on ne peut comprendre sans traducteur.
Tous les artistes sont magnifiques et même les clowns, qui font les liens entre les numéros vedettes renouvellent le genre. Mon numéro préféré est sans contredit celui où ce couple amérindien entreprend une danse de l'amour en tournoyant en patins à roulettes sur un tam-tam servant de podium; époustouflant!
L'enchaînement des performances s'imbrique quasi parfaitement au rythme des musiques brillantes de Guy Dubuc et Marc Lessard, compositeurs, arrangeurs et orchestrateurs responsables de ce voyage dans l'histoire et les cultures du monde. Les atmosphères sonores créées séduisent aussi bien les spectateurs qu'elles réussissent à stimuler les acrobates et athlètes sur scène. Ces pièces instrumentales dont plusieurs incorporent des partitions vocales sont d'ailleurs interprétées live, comme toujours au Cirque.
Un dispositif scénique d'une élégance remarquable, incluant des éclairages raffinés, cache une complexité technique permettant de nous transporter sur l'eau, dans les airs ou sur le sol avec une poésie fantasmagorique. Tout au long de la présentation de deux heures excluant l'entracte, les émotions fortes succèdent aux moments revêtus de douceur ou aux fines drôleries qui font sourire.
Une autre belle réussite que ce Totem grandiose qui entreprendra dès l'automne une carrière autour du monde, charriant avec lui sa belle leçon d'humanité. À voir sans restriction d'âge avec votre âme d'enfant.