Un commentaire de Roger T. Drolet
La tempête – photo: Renaud Philippe
À consulter
La Tempête
13 juillet 2011 (QIM) – On nous avait fait saliver avec cette oeuvre de Shakespeare, écrite en 1608, année de fondation de Québec, présentée à ciel ouvert dans le splendide amphithéâtre naturel de la forêt de Wendake et mis en scène par Robert Lepage, pour une troisième fois en carrière.
Une oeuvre qui montre une certaine réconciliation, au moment de la « conquête blanche », entre Européens et Amérindiens. Prospero, le personnage principal (Jean Guy) explique à sa fille adoptive Miranda (Chantal Dupuis) les choses de la vie. Partis sur une barque de Milan en Italie, ils navigueront jusqu'à s'échouer sur une île imaginaire de ce côté-ci de l'Atlantique où ils feront la rencontre des autochtones et vivront ensemble un choc culturel inouï.
L'auteur anglais ne savait pas qui étaient les habitants du Québec d'alors puisqu'il n'y a jamais mis les pieds. C'est l'exceptionnel metteur en scène qui a choisi de métisser les univers européens et américains en faisant s'entrechoquer les manières de vivre des uns et des autres. Quelle belle idée!
Lors de la première médiatique du 5 juillet, par une soirée superbe, nous étions assis dans cet endroit magique, peut-être cinq cents (sièges non réservés) à espérer savourer cette rencontre Shakespeare-Lepage, prêts à nous laisser transporter pour mieux décoder le monde duquel nous sommes issus.
Bien sûr, Lepage utilise judicieusement allégories, éclairages, décors, déplacements des personnages et acrobaties de manière à transcender le texte. Malheureusement, l'ensemble comporte d'énormes défauts qui nous ont laissé sur notre appétit.
De la dizaine de comédiens qui composent la distribution, à peine plus de la moitié sont véritablement à l'aise avec un texte alors que les autres semblent avoir été embauchés uniquement pour leurs qualités physiques. Ce plateau en forme de cercle dont le côté arrière s'étire dans une pente assez abrupte menant à la forêt demande en effet une agilité musculaire indéniable. Mais cela ne colle pas lorsqu'on récite du Shakespeare, même traduit en québécois par un Michel Garneau. Les accents relâchés et le ton monocorde (faux) de plusieurs interprètes distraient au possible. Même Jean Guy, le doyen du spectacle, qui a d'ailleurs enseigné à Lepage, alors étudiant au Conservatoire d'art dramatique de Québec, ne peut convaincre tout à fait le public de la force de son personnage. Une étoile toutefois à Marco Poulin (Caliban).
Et puis il y a la sonorisation qui est déficiente. Sans micros, les artistes, dans leurs déplacements, ont du mal à projeter suffisamment pour que l'on suive l'intrigue. Il aurait été certainement simple d'amplifier quelque peu les voix pour s'assurer que celles-ci rejoignent l'espace relativement restreint, en demi-cercle, où prennent place les auditeurs. L'amplification vocale aurait aussi masqué les pétards et bruits de sirène arrivant jusqu'à nos oreilles.
Une performance de presque deux heures, sans entracte, est bien longue dans ces conditions, à plus forte raison lorsque la musique en est quasiment absente. Il s'agit là d'un choix très étonnant de la part de Lepage. Bien sûr la troupe Sandokwa des danseurs de la nation huronne-wendat ouvre et ferme la prestation mais c'est bien peu pour ponctuer l'ensemble et souligner l'émotion qui pourrait en surgir.
On en arrive à se demander comment l'imposante équipe d'Ex Machina, productrice de La Tempête, a pu bâcler son travail de cette manière, même s'il s'agit d'un spectacle de théâtre estival!
La Tempête est présentée jusqu'au 30 juillet, à l'amphithéâtre de Wendake.