Une collaboration de Jean-Marc Gaudreau
Jean-François Lapointe
31 octobre 2011 (QIM) – Le temps saura le dire, mais Eugène Onéguine pourrait bien être un jour considéré comme un des rôles marquants dans la carrière de Jean-François Lapointe. Pour ceux qui étaient venus faire salle comble à la première à Québec de cet opéra de Piotr Ilitch Tchaïkovski, il ne fait plus aucun doute que ce rôle lui va à ravir.
Au point qu'une personne non prévenue pourrait montrer de l'étonnement en apprenant que ce baryton est québécois, tant il montrait du naturel à chanter en russe. Son interprétation tourmentée dans l'ultime tableau lui a valu une chaleureuse ovation tant il avait su émouvoir l'auditoire de la Salle Louis-Fréchette du Grand théâtre. En ce samedi 22 octobre, "Eugène Onéguine" ouvrait la 28e saison de l'Opéra de Québec.
La première de cet opéra en trois actes et 7 tableaux eût lieu à Moscou le 29 mars 1879. L'histoire, largement inspirée d'un roman en vers d'Alexandre Pouchkine, se présente ainsi. Eugène Onéguine, jeune dandy, repousse les avances passionnées de Tatiana Larina (Tatiana Larina (quel nom prédestiné), mezzo-soprano). Repoussant cet amour, Onéguine se montre surpris du sentiment que son ami, le poète Vladimir Lenski (Dmitry Trunov, ténor), porte à Olga (Margarita Gritskova, mezzo soprano), la soeur de Tatiana.
Lors d'un bal en l'honneur de celle-ci, Onéguine décide par désoeuvrement de séduire Olga, qui se prête au jeu. De colère et de jalousie, Lenski lance un défi à Onéguine qui le tue lors d'un duel. Quelques années plus tard, Onéguine, toujours rongé par les remords, revoit Tatiana, qui entretemps a épousé le Prince Grémine (Alexander Savtchenko, basse). Onéguine tente de reconquérir Tatiana, mais celle-ci malgré l'amour qu'elle lui conserve choisit de demeurer fidèle à son époux, au grand désespoir d'Onéguine.
Pour le second rôle principal de cet opéra, Tatiana Larina brille de tous ses feux au côté de Jean-François Lapointe. Elle se montre particulièrement agitée et passionnée dans la scène où elle rédige une lettre enflammée à celui qui a su semer tant d'émoi dans son coeur. Pour sa part Dmitry Trunov sait lui aussi se montrer tourmenté à souhait dans son rôle de poète amoureux trahi par son ami. Dans son chant du cygne, le matin du duel, il nous montre la grande étendue de ses talents lyriques.
Encore une fois, le choeur de l'Orchestre se révèle impeccable. La scène du retour des champs des paysans est festive à souhait et les scènes de bal très entraînantes. Seul petit bémol: les piliers servant de décor, et faisant tour à tour office d'arbres ou de colonnes, occupaient une vaste partie de la scène, confinant les figurants au centre de celle-ci. De plus, le plan incliné de la partie centrale du décor semblait nuire aux danseurs dans les chorégraphies de valses et de cotillons.
Pour défendre ses pages d'un romantisme exacerbé, les musiciens de l'Orchestre symphonique de Québec étaient sous la direction de David Lipton, lui qui avait déjà dirigé pour l'Opéra de Québec, "La Bohème" de Puccini en 2006 et "Il Trovatore" de Verdi en 2010. Il a bien su rendre la tension dramatique de ses pages, au point d'enterrer les interprètes à quelques occasions.
Il n'en reste pas moins que pour une première à Québec "Eugène Onéguine" est une très belle réussite.