Une collaboration de Jean-Marc Gaudreau
Murray Perahia – photo: Felix Broede
26 mars 2012 (QIM) - Murray Perahia était à nouveau l'invité du Club musical de Québec, en ce premier jour de printemps, pour le plus grand plaisir des abonnés de cette institution plus que centenaire. Car ce pianiste de réputation internationale s'était déjà produit en solo en 1987 de même qu'en 1999, et en duo avec Radu Lupu en 1988.
Il consacrait cette fois-ci la première partie de son récital aux trois grands « B » de la musique classique allemande: Bach, Beethoven et Brahms, invitant les mélomanes à emprunter un sentier musical conduisant, d'une pièce à l'autre, à des atmosphères teintées d'une grande intériorité.
Ce pianiste new-yorkais était un guide parfait pour nous accompagner dans ce parcours. Il joue avec une belle sobriété, sans s'épancher outrageusement sur son piano, ce qui favorise une plus grande intimité. On ne vient pas voir jouer Murray Perahia, on vient l'entendre, car il est un de ceux qui considèrent, avec raison, que la musique doit primer sur l'interprète.
De la "Suite française no 5 en Sol majeur, BWV 816" de Jean-Sébastien Bach, nous avons pu apprécier l'élégance de son jeu et la finesse de ses phrasés. Le contraste d'atmosphère était grand avec la "Sonate pour piano no 27 en Mi mineur, op. 90", courte pièce en deux mouvements, la première où Beethoven recourait à l'allemand pour mieux préciser ses indications telles celle du premier mouvement: « Avec vivacité et d'un bout à l'autre avec sentiment et expression ».
Murray Perahia y est allé d'une façon bien à lui de concilier les contrastes marqués et le lyrisme beethovénien de ces pages avec l'expression et le sentiment demandés. À ce moment de la soirée, les spectateurs de la salle Louis-Fréchette du Grand Théâtre de Québec étaient littéralement sous le charme.
Mais ce chemin vers une plus grande intériorité devait trouver son réel aboutissement avec les "Quatre pièces, op. 119" de Johannes Brahms. Le premier intermezzo fut joué presque comme une prière. Et que dire de l'énergie communicative qui se dégageait de l'entraînante "Rhapsodie" finale.
Au retour de l'entracte, changement d'atmosphère avec deux incontournables de la musique romantique. De Franz Schubert, sa "Sonate pour piano en La majeur, D. 664", une des sonates les moins tourmentées, les plus lumineuses de cet autre grand compositeur allemand.
En écoutant le pianiste se rire des difficultés pianistiques de l'Allegro final, difficile de croire que Murray Perahia a vu sa carrière dangereusement compromise dans les années 90, par des problèmes liés à un pouce et qui devaient le tenir éloigné de la scène durant de longues années.
Le programme se terminait avec un autre grand romantique, le Polonais Frédéric Chopin. Il a enchaîné sans faiblir le "Prélude en Fa dièse mineur, op. 28, no 8" avec trois autres pièces ayant en commun la tonalité plutôt inusitée de Ut dièse mineur. La très militaire "Polonaise, op. 26, no 1", la "Mazurka, op. 30, no 4" et l'éblouissant "Scherzo, op. 39". Un déferlement incroyable de notes qui auront résonné longtemps après la fin du récital dans la tête des mélomanes encore une fois conquis et ravis.