Une collaboration de Sophie Roy
Faust (Fête des paysans) – photo: Louise Leblanc
3 août 2013 (QIM) – Le troisième Festival d'opéra de Québec a commencé en force avec la présentation de La Damnation de Faust d'Hector Berlioz. L'opéra mis en scène par Robert Lepage a été présenté pour la première fois au Japon en 1999, à l'Opéra de Paris entre 2001 et 2006, et au Metropolitan Opera de New York (MET) en 2008 et 2009. Il était en première canadienne au Grand Théâtre de Québec ce jeudi 25 juillet 2013. Une production réunissant pas moins de 235 artistes sur scène et 78 musiciens dans la fosse d'orchestre.
L'histoire raconte la quête du bonheur de Faust. Méphistophélès le convainc qu'il peut l'aider à retrouver les plaisirs de la vie, mais ce sera au prix de sa vie. La clé de cette production est sans contredit la mise en scène originale de Robert Lepage, modernisée au fil des ans. La version présentée à Québec est une remise en scène de Neilson Vignola, un proche collaborateur de Lepage, et nous y reconnaissons clairement la signature de ce dernier.
Une immense structure de quatre étages remplit la scène. Elle se transforme au gré des éclairages, des projections visuelles et des effets scéniques. Les symboles et les images percutantes abondent. Les artistes, danseurs, chanteurs, choristes, figurants et acrobates évoluent dans ce décor, en l'exploitant au maximum. Les quatre actes se suivent sans se ressembler. Tantôt une seule projection occupe toute la scène; tantôt l'ensemble de la structure se subdivise en une vingtaine de cases. Je ne saurais dire combien de tableaux différents nous avons vu au final. Je peux toutefois vous affirmer que ma curiosité a été largement satisfaite.
La scène de la fête des paysans, au premier acte, est particulièrement réussie. Quelque 20 danseuses en robes bleues habitent les multiples cases du décor et pirouettent au rythme de la musique. En même temps, d'autres figurants agitent des voilures au-dessus de leurs têtes. Quel tableau festif! Ce concept est repris au troisième acte. Des danseuses en robes blanches représentant des feux follets envahissent la scène en marquant la cadence. Puis des personnages diaboliques descendent du ciel pour danser à l'envers de celles-ci. Leur agilité éblouit. Le public ravi applaudit spontanément.
L'équipe artistique mérite une mention spéciale. Elle a su mettre en images et en lumière l'imaginaire de Robert Lepage. Signalons Carl Fillion à la scénographie, Sonoyo Nishikawa à l'éclairage, Boris Firquet et Holger Fõrterer à la vidéo, Johanne Madore et Alain Gauthier aux chorégraphies.
Coté musical, le choeur de l'opéra de Québec et le choeur d'enfants apportent beaucoup d'énergie à l'ensemble de l'oeuvre. Ils deviennent pratiquement des personnages. Berlioz a accordé une large place au choeur dans son opéra. Par ailleurs, le jeu des musiciens de l'Orchestre symphonique de Québec, dirigés par Giuseppe Grazioli, est juste et bien articulé.
Sur le plan vocal, le ténor Gordon Gietz (Faust) et la mezzo-soprano Julie Bouliane (Marguerite) offrent une performance de grande qualité. John Relaya se distingue dans le rôle de Méphisto grâce à son charisme et à sa complicité avec le public dès sa première apparition. Sa prestation avait aussi été remarquée au MET.
En somme, cette production d'une richesse et d'une variété visuelle incomparables, dont la facture est toujours actuelle, m'a comblée. Le public de la salle Louis-Fréchette a montré son appréciation à plusieurs reprises au cours du spectacle. Une longue ovation a d'ailleurs couronné la soirée: Lepage et ses acolytes ont alors rejoint la troupe sur scène pour saluer les spectateurs.
La collaboration entre Grégoire Legendre et Robert Lepage semble réussir au Festival d'opéra de Québec. Il a présenté d'impressionnantes productions opératiques en trois ans d'existence: Le Rossignol, The Tempest et La Damnation de Faust. Félicitations aux créateurs et aux interprètes. Belle vie au festival!