Commentaires de Roger T. Drolet et Richard Baillargeon
Eric Burdon
NDLR: Eric Burdon est venu jouer à Québec à deux occasions: la première le 3 mars 1992 au Bar D'Auteuil et la seconde, le 24 octobre 2013 au Palais Montcalm. Nous y étions et nous partageons ici nos impressions de ces prestations espacées de presque 20 ans.
28 octobre 2013 (QIM) – Ça ne sentait pas le patchouli, ni l'herbe-qui-fait-rire lorsque le grand prêtre du blues rock britannique Eric Burdon s'est montré sur la scène de la salle Raoul-Jobin du Palais Montcalm ce jeudi 24 octobre. Non, c'était plutôt les vieux souvenirs des années 1960 qui montaient au nez du millier de spectateurs qui se sont laissés glisser vers ce passé si proche pour communier avec leur prime jeunesse et la rébellion qui l'accompagnât au son de cette légende qui n'a décidément pas perdu la touche.
Bien qu'il n'ait pas le lustre de plusieurs de ses compatriotes générationnels, le parcours de ce chanteur est particulièrement remarquable par sa durée et son authenticité. Les interprétations musclées de Burdon et de son groupe The Animals se sont allongées sur la seconde moitié des sixties en commençant par la traditionnelle "The House of the Rising Sun" qui fut no 1 dès 1964 des deux côtés de l'Atlantique. Ce cri du prisonnier trouve encore une résonance certaine auprès d'un large public et reste le point d'orgue de ses prestations scéniques cinq décennies plus tard!
Cet arrêt 2013 à Québec, sa seconde à vie dans cette ville, restera un moment de grâce pour les fans, des boomers pour la plupart, stimulés par le charisme de l'artiste de 72 ans.
Lunettes et vêtements noirs, l'homme décline une synthèse de son répertoire, portion Animals, portion solo, sans oublier sa période avec le groupe War, vers 1970. Seule la période New Animals (1967-1969) est absente, sans raison apparente, hélas! Le chanteur place ça et là quelques phrases de présentation et quelques « mercis » en français.
Mélange entre un rock primaire, un blues sans âge et un psychédélisme flower power,le son Burdon ne vieillit pas. Les textes qu'il choisit ont souvent eu une résonnance sociale comme la nouvelle et excellente "Water", déjà proclamée comme un classique du genre. Plusieurs autres titres de son très récent disque "Til Your River Runs Dry" sont insérés au concert de près de deux heures auquel nous avons eu droit. Mentionnons les très réussies "Wait", "Old Habits Die Hard" et "Before You Accuse Me".
La voix de Burdon, son instrument, est en grande forme et sa présence scénique sobre mais combien intense ont de quoi faire pâlir bien des artistes contemporains trop obsédés par l'image et les tendances du jour.
Brillamment intégrés à l'ensemble, quelques classiques des Animals sont toujours des chansons fortes auxquelles on pourrait en ajouter de nombreuses. Les "When I Was Young", "Don't Bring Me Down" et "Inside Looking Out", toutes de 1966, rutilent toujours comme des diamants de l'histoire du rock. Et comment laisser de côté la colossale "Don't Let Me Be Misunderstood", piquée à Nina Simone par les Animals dès 1965.
Même si Burdon pourrait s'égosiller toute une soirée a capella pour le plaisir de tous, tant son charisme et son registre vocal sont considérables, les musiciens qui le secondent dans cette importante tournée sont eux aussi brillants et la vedette leur laisse l'espace pour se mettre en valeur. Le sextet comprend notamment deux superbes guitaristes Billy Watts et Eric McFadden ainsi qu'un extraordinaire claviériste texan du nom de Red Young qui manie le Hammond B3 comme un champion!
Interprète hors-pair, Eric Burdon se fait certainement très plaisir en reprenant magistralement le vieux classique de blues "Crawling King Snake", repris notamment par The Doors ainsi que la très lourde "Black Dog", pièce originale inspirée du « black dog of depression » de Winston Churchill. Vraiment aucun point faible à cette soirée mémorable!
Angel Forest, avec sa voix rauque et sa présence énergique, très émue de faire la première partie du maître, fut à la hauteur. Flanquée des guitaristes Ricky Paquette et Denis Coulombe, elle enchaîna quelques pièces de son cru mêlées à des adaptations attrayantes dont "Me and Bobby McGee", version Janis Joplin, et "Whole Lotta Love" de Led Zeppelin.
Pour avoir été sur place au Bar Le d'Auteuil en 1992, je n'aurais pu évoquer la première venue de l'artiste en nos murs avec autant de précision que la prestation 2013. Après tout, plus de deux décennies séparent les deux événements. Il est cependant évident que sa récente visite est beaucoup plus concentrée sur le parcours du personnage que ne l'était sa première venue.
Ce passage à Québec était alors une escale de la tournée Eric Burdon - Brian Auger Band, échelonnée sur les années 1991-1994. Les deux artistes britanniques y étaient mis en valeur, bien que l'album témoin, paru en 1993, insiste davantage sur le répertoire Burdon. Les deux souvenirs précis que j'en garde et que le temps n'a pas altérés sont sa relecture pleinement reggae de "Don't Let Me Be Misunderstood" et l'inclusion d'une pièce des Doors "Roadhouse Blues". Cette dernière découlait de la participation de Robbie Krieger aux premiers mois de la tournée et a été conservée tellement elle cadrait avec le répertoire du groupe. Quant au succès emprunté à Nina Simone, il a conservé sa saveur reggae lors du refrain mais la gamme de son interprétation en est maintenant plus étendue.
Outre ces deux titres, il y avait sûrement plusieurs autres pièces mémorables mais il faut dire que dans le feu de l'action (le public pouvait circuler et n'était pas sagement assis dans les fauteuils), l'attention pouvait plus facilement être détournée!