Une collaboration de Sophie Roy
Quatuor Ébène
8 mars 2014 (QIM) – L'ensemble à cordes français a fortement impressionné le public du Club musical de Québec le 24 février dernier à la salle Louis-Fréchette du Grand Théâtre. Les membres du Quatuor Ébène nous ont fait une démonstration éloquente de leur originalité et de leur virtuosité individuelle et collective.
Formé en 1999 au Conservatoire de Boulogne-Billancourt en France, le quatuor Ébène est reconnu comme l'un des ensembles de musique de chambre les plus audacieux de notre époque. Cette audace s'exprime dans un choix de répertoire éclectique tiré d'un large spectre musical – des grands classiques à des incursions dans le jazz et la musique populaire. Le New York Times le présente comme: « Un quatuor à cordes qui peut sans peine se transformer en un jazz band ».
Les musiciens avaient mis au programme, à Québec, trois quatuors à cordes d'époques musicales différentes: Mozart (classique), Bartôk (moderne), et Mendelssohn (romantique). Ces oeuvres ont à priori peu en commun. Le fil conducteur du concert est tissé par la façon unique avec laquelle ils abordent ces oeuvres.
Avec le "Quatuor en mi bémol majeur" de Mozart, les violonistes Pierre Colombet (premier violon) et Gabriel Legadure (second violon), l'altiste Mathieu Herzog et le violoncelliste Raphaël Merlin, mettent la table. L'oeuvre met en valeur les qualités artistiques des quatre musiciens. Ceux-ci manient l'archet avec une maîtrise exceptionnelle. Légèreté, accent, douceur, énergie, ils rendent tous les contrastes présents dans la pièce avec justesse.
Le "Quatuor no 3" de Béla Bartôk peut sembler, au premier abord, rebutant à entendre. Mais lorsqu'on voit les musiciens du Quatuor Ébène l'interpréter, ils nous fascinent! Les nombreux défis techniques que ce quatuor exige ne les intimident pas. Ils ont un jeu engagé, très physique. Ils enchaînent glissandos, doubles-cordes, pizzicatos et trilles avec fougue. Ils relèvent également les défis rythmiques de façon impeccable. Leur cohésion est remarquable.
Dans le "Quatuor no 6 en fa mineur" de Mendelssohn, l'ensemble exprime avec authenticité les diverses émotions de la pièce, composée suite au décès de la soeur chérie de Mendelssohn. Elle comporte un mélange de tristesse, de douleur, de colère, de rage, pour se terminer avec un cri de désespoir. Dans les moments de tristesse ou de mélancolie, les musiciens adoptent un lyrisme doux, bien senti, notamment par le premier violon qui a la ligne principale. Dans les moments de rage, leur jeu est frénétique, impétueux. Enfin, les quatre musiciens nous offrent une finale où l'intensité est à son comble. Une vague d'émotions mêlées nous submerge et on finit avec dans le coeur un inexorable sentiment d'urgence.
Pas étonnant que le Quatuor Ébène se soit taillé rapidement une place sur la scène internationale. Sa saison 2013-2014 le mènera au Carnegie Hall de New York, au Wigmore Hall de Londres, à la Philharmonie de Berlin... Le mois dernier, il était invité par le Conservatoire national supérieur de musique de Paris pour y donner une série de cours de maître. Sa discographie a récolté de nombreux prix. Aussi, pour voir de quelle polyvalence les musiciens sont capables, allez regarder sur YouTube leurs interprétations uniques de "Come Together" des Beatles et de la pièce-thème du film Pulp Fiction.
Le Club musical a fait un bon coup en les invitant à Québec. Je mentionne également que la conférence pré-concert donnée par Monsieur Benjamin René a été très appréciée par les quelque 80 personnes qui y ont assisté. Elles ont pu situer dans leur contexte historique et musical les oeuvres au programme. Le concert sera retransmis sur les ondes d'Espace Musique le jeudi 20 mars à 20 h.