Marius
Delisle

 Marius Delisle

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Parcours

Notes biographiques
Nom véritable Marius Delisle 
Aussi connu sous --  
Naissance 1922-1992   
Carrière professionnelle 1942-1992   

Ce n'est pas d'aujourd'hui que le régionalisme peut influer sur la reconnaissance accordée à un individu. Dans le domaine de la chanson pop, on compte plusieurs artistes qui ont été des célébrités de leur vivant et que l'oubli a trop vite délogés des mémoires pour la bonne raison que leurs traces ne se retrouvaient pas dans les archives des médias de la métropole. Marius Delisle est un exemple de cette mémoire injustement sélective qui accable la culture québécoise. La preuve en fut fournie lors de l'inauguration du nouveau Capitole, en 1992, quand "À Québec au clair de lune" fut la seule des dix finalistes en nomination pour La Chanson du siècle pour laquelle on n'a pu voir projetée la photo de son auteur-compositeur. Et ce dans sa propre ville! De là à dire que la recherche nécessaire avait été confiée à quelque mercenaire qui n'avait aucune connaissance du terreau local, il n'y a qu'un écran bien mince.

Ce refrain est pourtant l'un des plus représentatifs de la créativité qui s'est manifestée de tout temps dans la Cité de Champlain, cette capitale qui célèbre ses 400 ans en 2008. Créée en 1959, la chanson ne tarde pas à gravir le palmarès, d'abord à CHRC, puis un peu partout en province et même à Montréal où des artistes de passage comme Tohama, Los Isleños Trio ou les Del Campo Twins s'en font les interprètes. Au plus fort de la vague du twist, Guy Roger en propose une version sur ce rythme qui soulève le public à la page. Marius lui-même ne sera pas insensible à cette mode et fera twister Bonhomme Carnaval! Mais déjà, nous anticipons. Revenons plutôt une vingtaine d'années auparavant quant le jeune homme du quartier Saint-Jean-Baptiste amorce sa carrière musicale.

Ayant appris à jouer du piano dès son enfance, il fait aussi partie des Petits Chanteurs à la Croix de bois avant de devenir télégraphiste de métier. Dans la jeune vingtaine, on le retrouve comme présentateur dans les grands cabarets de Québec: Chez Gérard, Porte St-Jean, Shamrock. Après la guerre où on le réquisitionne pour son expérience en télégraphie, il fonde son premier ensemble musical, tout en conservant son emploi au Canadien National. Les salles comme le Monaco, l'Indian Room, la Porte St-Jean l'accueillent cette fois comme attraction régulière. Pendant plus de vingt ans, il mènera ainsi une double vie, à l'instar de nombreux musiciens, toute époque confondue: musicien le soir, télégraphiste le jour, ou même parfois sur le quart de nuit.

En 1958, il est l'un des initiateurs, avec Geneviève Aubin-Bertrand, de l'Association des auteurs-compositeurs de Québec, organisme qui donnera son élan à l'émission Les Créations de Québec dont l'animateur est le tout jeune Jacques Boulanger. Cette émission aura sur la scène locale un impact comparable à celui du Concours de la Chanson canadienne, lequel était diffusé à l'échelle du Québec et du Canada francophone. 1958 marque aussi l'année du 350e anniversaire de la Ville de Québec et Marius propose à la compagnie London, dont le directeur artistique est Jacques Labrecque, de graver deux de ses compositions qui vantent les attraits de la Capitale. "Marché Champlain" et "Place d'armes" paraîtront donc en tandem à l'automne, à la fois sur formats 78 tours et 45 tours, comme il était d'usage dans la seconde moitié des années cinquante, époque de transition équivalente au passage du vinyle au DC, trente ans plus tard.

Suite au succès de "Place d'armes", Delisle devient le musicien-animateur régulier de La Porte St-Jean où sa prestation précède le tour de chant des artistes en vedette. Il grave un nouveau 45 tours où il se fait l'interprète de collègues des Créations de Québec: "Confidences d'un père" (Geneviève Aubin-Bertrand) et "Tango d'amour" (Madeleine Mercier) puis propose à nouveau une de ses compositions. Dès sa sortie, "À Québec au clair de lune" fait l'unanimité. La chanson lui est demandée chaque soir, est reprise par d'autres artistes et surtout est largement diffusée à la radio. Québec détient un véritable hymne à sa gloire, un peu comme le furent "Les nuits de Montréal" pour Jacques Normand.

Pas chauvin pour deux sous, Marius offre aux citadins de l'autre grande ville québécoise sa "Valse de Montréal" l'année suivante. Puis ce n'est que deux autres années plus tard, en 1962, que Marius retourne en studio pour "Ma poupée cha cha" et "Revoir tes jolis yeux". D'autres boîtes s'ajoutent à son tableau: le Baril d'huîtres, le Relais du Lac Beauport, etc. L'hiver suivant, le sympathique musicien apporte sa contribution à la constitution d'un répertoire carnavalesque avec "Venez au Carnaval", un twist, et "Le Carnaval du Bonhomme", un sing-along aux allures de chanson-à-répondre du terroir.

Cette participation à la grande fête d'hiver sera la dernière page de son flirt avec la popularité. Il tente de nouvelles rengaines événementielles mais celles-ci ne connaîtront qu'un écho restreint: "Quô qu'a fait là" est un clin d'oeil au slogan popularisé par Olivier Guimond à l'époque de Cré Basile et "Rendez-vous '67" l'une des 2000 et quelques malheureuses propositions coiffées à l'arrivée par le thème de Stéphane Venne qui demeure pour tous l'unique chanson de l'Expo. Heureusement, la maison RCA Victor, pour qui il avait gravé un de ces 45 tours tardifs, a eu le flair de réunir une dizaine de ses titres antérieurs et lance un microsillon, arborant la photo du Château Frontenac et naturellement titré "À Québec au clair de lune", sans quoi l'oubli aurait été encore plus total. Les temps changent, les engagements se raréfient, le chantre des beautés du Vieux-Québec se consacrera totalement à son autre métier à partir de la fin de la décennie.

Ce n'est qu'en l'année 2000, suite à l'initiative d'une équipe de passionnés de l'histoire musicale du XXe siècle, que l'intégralité des enregistrements de Marius Delisle redevient accessible au public, et aux médias, sous format DC "À Québec au clair de lune (intégrale)". Quatre ans plus tard, "Venez au Carnaval" bénéficiera d'une cure de rajeunissement à l'occasion du cinquantième anniversaire de l'événement hivernal, par les bons soins des Batinses, sur l'album "Que la fête continue!". Auparavant, son hymne à Québec avait été réenregistré par les Jérolas, à l'occasion de leur bref retour en 1994. Le 31 décembre 2007, lors du Coup d'envoi des célébrations du 400e de la ville, ce refrain fut rendu sous de nouvelles couleurs, en version festive de salsa tropicale. La fête n'aurait pas été complète sans un salut consistant à Marius Delisle.