4 août 1999 (QIM) – Petit pays, petite misère! Il est de ces soirs où on ne sait trop quoi penser d'un spectacle qu'on vient de voir et qui n'a pas été à la hauteur. À la hauteur de quoi, me direz-vous? À la hauteur d'un bon spectacle de variété qui réunissait, pour la première et probablement dernière fois, 5 artistes réputés habituellement très généreux avec leurs publics respectifs. Mais quelque chose n'a pas fonctionné. Est-il important de savoir quoi précisément, je ne sais trop, mais il est tout de même important de chercher à comprendre pourquoi la mayo n'a pas pris. Toute comparaison étant boîteuse, on se permettra naturellement de lier cette prestation à celles des 21 et 23 juin 1976, à Québec et à Montréal, en plein air. Ce show, qu'on avait baptisé 1 x 5, dépassait largement le simple spectacle musical. Il y a 23 ans, Charlebois, Léveillée, Ferland, Vigneault et Deschamps ont créé quelque chose. Bien entendu, il faut savoir quelques petits détails sur le contexte pour comprendre que le premier 1 x 5 transcendait la musique. Mais nous ne sommes pas ici pour faire un cours d'histoire, il y a les Lacoursière, Provencher et autres vulgarisateurs pour cela. Disons tout de même qu'alors, le tout s'était avéré plus grand que l'ensemble de ses parties.
Mais tout de même, à quoi pouvait bien penser le producteur Guy Latraverse quand il a décidé de revisiter ce concept quasi-mythique du grand rassemblement musico-social des années soixante-dix? Il faudrait faire une interview en profondeur avec lui pour le savoir... Même la date ne faisait référence à aucun anniversaire!
À tout considérer, il y a sans doute plus de dissemblances entre les deux événements que de points communs. Voyons voir de plus près.
Dan Bigras, Pierre Flynn, Éric Lapointe, Pierre Légaré et Paul Piché. Le choix est impeccable et fort équilibré.
Bien sûr, il fallait un juste dosage entre les succès de ces artistes et les reprises de chansons susceptibles de faire vibrer les cordes sensibles du public. Chacun y alla effectivement sans surprises de quelques-unes des pièces les plus populaires de son répertoire. Flynn: "En cavale"; Piché, "Heureux d'un printemps", "Je lègue à la mer". Ainsi de suite. Quant aux hommages, le choix aurait pu être pire: "La marche du Président", "Mon pays", "Frog song" et "Ordinaire" de Charlebois, "Le chat du Café des artistes" de Ferland, "J'ai planté un chêne" de Vigneault, "Le déserteur" de Vian. On aura remarqué la concentration d'oeuvres de Charlebois! Ah oui, y a eu la "Bobépine" de Plume Latraverse à la manière de Lapointe...
Là, on tombe en bas de notre chaise! RIEN. Des musiciens (la section rythmique) qui n'ont pas été vraiment présentés, des chanteurs qui sortent du noir lorsque c'est le temps de pousser la note, des éclairages minimalistes et, ça et là, quelques légers problèmes de son et de micros. Aucune projection de photos ou de films du bon temps, aucun message enregistré par les originaux.
Un Saint-Denis quasi rempli et une foule participative qui en redemandait. De ce côté donc, rien à redire non plus.
On peut soupçonner le producteur d'avoir mis l'essentiel du budget de l'événement sur les cachets des artistes et de ne pas avoir laissé grand chose pour les répétitions qui ont certainement été trop peu nombreuses. Quant aux liens entre les pièces, on ne peut prétendre qu'ils aient été historiques. Légaré s'en est bien tiré avec ses monologues portant sur la langue et la Fête nationale. L'humoriste a d'ailleurs pris soin de faire un clin d'oeil aux artistes des spectacles de 76 en précisant qu'on ne pouvait leur rendre hommage puisqu'un tel honneur doit arriver après leur disparition. Or, a-t-il ajouté, « dans leur cas, on attend toujours... »
Les prestations de chacun des chanteurs fut certainement de bonne qualité, Flynn réussissant même à casser un nouvelle oeuvre tout à fait intéressante. Dans la salle, on pouvait d'ailleurs remarquer les fans des uns et les fans des autres qui se relançaient à chaque apparition du préféré.
Deux parties d'environ une heure chacune, une grande finale avec l'une des chansons de Charlebois énumérée plus haut (devinez laquelle?) et puis, aucun rappel. Quelques huées (méritées?) et, suite à une fausse alarme, une apparition d'une flotte de camions de pompiers à la sortie du Saint-Denis par cette soirée de canicule, comme s'il avait fallu ajouter un petit quelque chose d'inattendu!!!
Il faut dire que nous sommes devenus difficiles à satisfaire avec toutes ces superproductions bien rôdées qui s'amènement chez nous après avoir rentabilisé leurs investissments ailleurs qu'au Québec. Nous tolérons de moins en moins les longeurs, les accrocs techniques. Or, il est normal que les spectacles destinés au seul marché québécois ne puissent subir une juste comparaison en raison des moyens financiers qui sont déployés pour leur présentation. De cela il faut être conscients et apprécier davantage le contenu des spectacles d'ici que leurs contenants. Mais dans le cas qui nous occupe, il s'agissait d'un gala exceptionnel, par conséquent, il aurait fallu déployer des trésors d'inventivité justement pour créér un concert inoubliable ! Mais le producteur a préféré jouer sur les mots et les souvenirs...
Il n'y aura probablement pas de suite à ce demi-succès, à la rigueur peut-être un disque souvenir qu'on lancera discrètement. Je crois qu'il y aurait en effet possibilité de faire vivre certaines des interprétations de cette soirée pour le bénéfice des générations futures. Mais en ce qui concerne le gala lui-même, j'estime que pas mal de gens ayant pourtant payé leurs billets, l'ont probablement déjà oublié.
Les Francofolies de Montréal se poursuivent avec une série de spectacles en plein air gratuits au centre-ville de Montréal et certains galas payants en salle jusqu'au samedi 7 août.
P.S. La réponse à la première question du 4e avant-dernier paragraphe est un peu à l'image du spectacle: "Ordinaire".