Une expérience intemporelle avec Richard Baillargeon
19 novembre 2002 (QIM) - L'événement Coup de coeur francophone ne fait pas les choses tout à fait comme les autres Festivals. Et il en résulte de bien bonnes surprises... comme cet Outrage aux Sinners, qui se déroulait samedi dernier, 16 novembre 2002. Une date à retenir non seulement pour les fans des Sinners mais pour tous ceux qui n'avalent pas tout rond l'idée que les époques ou les styles musicaux soient par définition imperméables. Car on retrouvait bien des adeptes musicaux d'au moins quatre générations sonores, ce soir-là, tant sur scène que dans la salle d'un Lion d'Or plein à craquer.
Déjà le fait d'entendre le trio French B s'approprier "Elle est revenue", perle du tout premier 45 tours des Sinners paru il y a à peine 35 ans, était un événement en soi. Mais les trois heures qui allaient suivre devaient s'avérer remplies de semblables défis à la datation, de moments magiques qui peuvent surgir au détour. Ce fut d'abord l'occasion pour le curieux routier des années 60 que je suis de découvrir l'énergie et la tenue de route de groupes jeune rock comme Les Vulgaires Machins, le Nombre ou Les Breastfeeders dont on a plus souvent l'occasion de voir le nom sur les affiches des palissades du centre-ville que de les retrouver à portée de tambourine. Il n'est besoin que d'entendre quelques notes pour se rendre compte que la pulsion originelle qui anime les Vulgaires Machins plongeant accords perdus dans "Notre étang", les Breastfeeders qui redéfinissent "Nice Try" pièce du premier album des Sinners, ce joyau si apprécié des collectionneurs de vinyle, en proposant leur propre version - sous le titre de "Pousse-toi", si mes oreilles me sont restées fidèles - ou encore le Nombre commentant "Les grèves d'aujourd'hui" avant de s'expliquer devant "Messieurs les jurés"... pour comprendre, donc, que leur pulsion sonore s'alimente à la même eau que ces indéfinissables pécheurs des étiquettes Rusticana ou Jupiter.
Après cette prise de contact avec le répertoire des Sinners façon sixties, la seconde partie de la soirée allait nous rappeler qu'il y a bel et bien eu une vie après les Sinners, et que celle-ci allait porter à nouveau la marque du nom Sinners. Cette fois, un authentique Sinner allait être de la partie en la personne du guitariste Arthur Cossette, musicien à plusieurs vies dont une quantité égale dans la peau du grand Jaguar. Comme il se doit, cette portion allait être plus tributaire de l'idée de jam et d'improvisation que les moments précédents.
D'entrée de jeu, Arthur reprend le dialogue avec sa guitare, le temps d'étendre un peu de "Confiture" sur les esprits. Deux personnages dignes d'un happening du temps des Sinners vont bientôt s'y faire remarquer: d'abord Alex Jones, du groupe WD-40, qui livre des interprétations à la fois amusées et intenses de "Mon 50 cents", "Y mouille à ciaux" et "Funérailles d'un wawa rond". On sent alors passer un brin de cette folie douce propre aux événements du début des années 70, trip qui se prolongera avec l'arrivée de Lucien Francoeur sur scène, un peu plus tard. La brève prestation de René Flageolle ramènera un peu de sinnerisme mélodique pour "Ben correct" et "Don't You Run Away", avant la plongée débridée de l'alter-ego de Johnny Frisson dans ce qui sera le jam définitif de la soirée, surtout concentré autour de la méconnue "Heavy" qui passera de l'incantation rock au rap avant de faire place aux gestuelles d'anciens Sinners et de revenir au thème de départ.
La surprise et le seul moment de véritable outrage (les Québécois ont visiblement l'hommage plus facile que l'outrage) de la soirée viendront avec l'apparition finale de Loco Locass qui après un rappel du "Temps de la révolution" décriera le texte original de "Québécois" avant de se lancer dans une réécriture tout à fait actuelle et éloquente de l'hymne de la Révolution Française.
L'événement était un des derniers du Coup de coeur 2002 et était coordonné par Guylaine Maroist et Louise Beaudouin. La soirée était ponctuée de fausses interventions télé, en direct des coulisses, que vous pourrez sans doute entendre pour de vrai à la radio, ce jeudi soir 21 novembre à l'émission Macadam Tribu, 20h sur les ondes de Radio-Canada, première chaîne. La tentation de la cassette sera forte!