Un commentaire de Roger T. Drolet
19 mars 2005 (QIM) – L’autre jour à la télé, j’ai vu une bribe d’interview réalisée avec des gars qui jalousent les chanteurs qui plaisent à leurs blondes. Y en a même un qui a dit quelque chose comme: « Celui qui me fait le plus suer, c’est Ferland. ». Honnêtement, je pense que c’est un sentiment assez partagé par un bon nombre de mâles qui n’ont aucun charme et qui doivent s’y prendre autrement pour plaire aux femmes. Car pour ça, Jean-Pierre sait s’y prendre... et ça marche depuis 45 ans.
Mais voilà, à 70 ans, par un beau coup de tête, un de ces matins, le Jean-Pierre a décidé de se payer une grande tournée d’un an ou deux et d’aller partout en clamant que c’était la dernière fois qu’il sillonnerait les routes de la sorte. Je me permets d’en douter, m’enfin... disons que je me suis offert ce 3 fois Ferland - Ton visage - Jaune - Écoute pas ça, lors de sa première au Théâtre Capitole de Québec le mercredi 16 mars 2005, convaincu que j’aillais passer une belle soirée. Une salle comble de femmes et d’hommes qui veulent se faire chanter la pomme par une des icônes de notre chanson pop depuis les débuts de la Révolution tranquille, c’est pas rien.
La soirée commence bien avec cette belle horde de musiciens, une dizaine en fait, guitares, cordes, cuivres, claviers, percussion et choriste, une belle gang bien accordée. Et Jean-Pierre Ferland de faire son entrée sous les applaudissements d’une salle pleine conquise d’avance. Avec un répertoire semblable, une voix pareille et une expérience des planches que beaucoup lui envient, celui qui interprète l’amour sous toutes ses coutures peut piger allègrement dans tous ces fragments d’un passé encore si présent.
En ouvrant avec "Les Immortelles", "Ton visage" et "Fleurs de ma cabane, pardon macadam", Ferland sait qu’il ne peut pas se tromper même si toutes ces perles ont célébré leur quarantième anniversaire. Quelques mots drôles, une gestuelle étudiée et nous voici à la période jaune, celle où Jean-Pierre s’est pris pour un Américain après avoir tenté de devenir Français. "God Is An American" avec la grande photo de Bush fils derrière lui et quelques rires au passage nous conduisent au travers des grands disques que furent "Jaune" et "Soleil". Je souligne au passage une magistrale interprétation de "Sing Sing". Le public suit toujours avec "Mon ami J.C.", "Maman ton fils passe un mauvais moment", "Le chat du café des artistes" et "La route 11". Sans entracte, on file jusqu’aux belles pièces plus récentes que sont "T’es belle", "Écoute pas ça" ou "Envoye à maison".
Malgré la quasi-perfection et la grande générosité d’une telle performance, on est en droit de se demander pourquoi le chanteur insiste tant, en promotion, sur le fait qu’il s’agit de sa « dernière » tournée. Car celui qui est entré dans notre mémoire collective et qui a fréquenté les plus grands de la scène musicale québécoise tourne quand même ses ritournelles depuis pas mal de temps. J’en veux pour preuve le double disque "Live" de la tournée 2000 où Ferland nous présentait essentiellement les mêmes pièces dans un ordre différent. Mais bon, puisque c’est toujours aussi excellent. Et puis, il y en a quand même quelques millions de personnes qui ne l’ont pas encore vu sur scène! Alors ne boudons pas notre plaisir.
On me permettra toutefois de souligner une petite faiblesse à cette présentation, un oubli récurent, pourrait-on dire, puisque j’ai déjà été intrigué par la chose. Pourquoi, hormis la fleur qu’il fait à son directeur musical Alain Leblanc et à sa choriste Lynn Jodoin (il ne nomme pas les autres acolytes de cette tournée), Ferland passe-t-il sous silence l’ensemble des grands compositeurs qui lui ont apporté les partitions musicales d’une portion congrue de ses grands succès? Les Paul Baillargeon, Michel Robidoux, Daniel Mercure, François Cousineau et autres Paul de Margerie n’ont pas mérité de rester dans l’ombre. Je n’ose croire que Ferland veut occulter leur rôle essentiel dans ce tissu de succès. On a beau avoir un talent fou, il est bien rare qu’une telle carrière se bâtisse toute seule et le petit roi devrait s’en rappeler. Il en sortirait grandi. Le poète garnement de 70 ans poursuit son « dernier » périple d’ici 2006: