Un commentaire de Richard Baillargeon
3 septembre 2008 (QIM) – Plusieurs ont déploré la trop grande discrétion à souligner, à l'été 2008, le vingtième anniversaire du départ de celui qui a tracé le sentier de la chanson québécoise moderne, Félix Leclerc. Et si, à l'image de ce dernier, la qualité de ces souvenances compensait largement pour la quantité?
Bien que l'événement ait été commémoré lors des Francofolies de Montréal par l'événement Félix, l'homme de paroles, puis lors d'une touchante soirée au Cercle, au centre-ville de Québec, c'est lors du lancement de l'album hommage, simplement titré "Félix Leclerc", au tout début septembre, que la magie et la vigueur de l'héritage de Félix se sont à nouveau incarnées dans ce que le poète qualifiait de nouvelle immortalité dans son Dernier calepin. La citation intégrale est d'ailleurs rapportée dans le feuillet central du livret accompagnant quatorze relectures de ses chansons dans leur nouvel écrin.
Chapeau à la Fondation Félix-Leclerc et à Tacca Musique pour le choix des interprètes et la justesse de la répartition des titres par chacun d'entre eux. Des pièces méconnues s'y taillent une niche fort enviable, voisinant des refrains appréciés de tous. Un néophyte pourrait facilement imaginer qu'il s'agit d'une de leurs nouvelles créations respectives. Et en même temps, l'album affiche une réelle homogénéité dans le ton, laquelle découle de l'inspiration remontant à l'ancêtre commun. Bien que chaque chanson ait été enregistrée en des lieux différents, par des musiciens et arrangeurs divers, le réalisateur Marc Pérusse a su doser les différences et conserver une couleur d'ensemble, couleur qui s'harmonise bellement à la pochette et au livret du nouvel ouvrage, à la fois discret et majestueux. Mention spéciale pour la photo arrière où le regard scrutateur du grand artiste semble voir plus loin que tout horizon!
Chaque interprétation mériterait d'être soulignée mais relevons du moins quelques surprises qui valent chacune le prix de l'album: l'autre figure emblématique de notre chanson, Gilles Vigneault, reprenant "Moi, mes souliers"; la juxtaposition de "Contumace" par un Gregory Charles sifflotant "Bozo" à la toute fin et le même "Bozo" pleinement orchestré sous la voix de Patrick Bruel; les balises folk que constituent "J'inviterai l'enfance" dite par Chloé Sainte-Marie et "Douleur" interprétée guitare et voix par Fred Pellerin; la touche parfois lennonesque de Karkwa dans leur "Tour de l'île"; Johanne Blouin qui n'a jamais si bien chanté Félix que dans "Ce matin-là" aux nouvelles couleurs de la chanteuse, soit tout en jazz; et bien sûr le magistral "Bon voyage dans la lune" que Marie-Élaine Thibert rend avec un humour teinté de désespoir écologique. Félix avait déjà vu ça en 1966!