Un commentaire de Richard Baillargeon
20 novembre 2010 (QIM) – Si la lecture du Frisson des chansons de Stéphane Venne nous révélait les dessous de la réflexion d'un compositeur, celle du livre de Daniel J. Levitin De la note au cerveau (L'influence de la musique sur notre comportement) permet d'en découvrir l'effet chez l'auditeur. À la fois complexe et vulgarisateur, l'ouvrage se fonde sur des branches relativement nouvelles de la science, telles que la neuropsychologie, pour nous amener à découvrir non seulement le pourquoi mais surtout le comment de l'effet de la musique sur le cerveau humain ou le fonctionnement cérébral lié aux divers attributs de la musique.
L'auteur, chercheur à l'Université McGill de Montréal, fut d'abord fan de rock, puis musicien et réalisateur de disques avant de transiter vers l'approche du scientifique. Il raconte d'ailleurs comment son intérêt pour la musique à l'adolescence l'a amené à s'intéresser aux autres dimensions sonores après s'être fait offrir un casque d'écoute par son paternel! D'où sa passion pour l'aspect technique de la production de disque, métier qu'il a exercé en Californie, avant de poursuivre des études en neuropsychologie.
Son livre aborde donc les diverses qualités du son et de la musique (hauteur tonale, timbre, volume, rythme, tempo, etc.) sous l'aspect scientifique mais en ne perdant jamais de vue la perception de l'auditeur ou du fan de musique qu'il continue d'être, et ce au gré de nombreux exemples musicaux, puisés à une grande diversité de styles et d'époques.
Au passage, l'auteur nous rappelle que « chaque fois que les humains se réunissent pour une raison ou une autre, la musique est présente » et que dans l'histoire de l'humanité « c'est assez récemment qu'une distinction s'est opérée entre ceux qui jouent de la musique et ceux qui l'écoutent ». Parmi les notions qui ressortent de ses recherches, outre la démonstration que la musique affecte toutes les zones de cerveau, Levitin rappelle l'importance instinctive de la musique ou du chant, à l'égal de la force physique ou de l'instinct parental, dans le processus darwinien de la sélection sexuelle.
Se référant encore à la vision de Darwin sur l'aspect interactif de l'évolution, il affirme - et nous serons d'accord avec lui - que la musique nous fait plus humains! La musique serait liée à l'espèce humaine, autant et même davantage même que ne l'est le langage articulé. Outre la capacité de distinguer les sons que nous entendons réellement, le cerveau humain possède celle 'de regroupement', ce qui permet d'entendre des sons fictifs. Comme exemple, l'auteur évoque la chanson "Lady Madonna" où la seconde partie du solo de saxophone est produite par les voix des quatre Beatles imitant l'instrument!
L'importance de la mémoire est démontrée dans notre réponse instinctive à l'audition d'une pièce: identification, catégorisation, anticipation, sans oublier le 'couple' tension / résolution! En résumé, la musique « met en oeuvre une chorégraphie précise de neurotransmetteurs (la fameuse dopamine) entre les systèmes de prévision logique et de récompense émotionnelle ».
Pour ceux qui craindraient que ces recherches ou la simple connaissance d'une grammaire des sons puissent entraîner la fin du mystère musical, soyez rassurés: le neuroscientifique souligne que, face aux différents stimuli, dont ceux d'origine musicale, « ... le nombre d'états cérébraux que chacun de nous peut éprouver dépasse le nombre de particules connues dans l'univers », rien de moins. Mieux: le cerveau humain peut facilement repérer diverses interprétations d'une même chanson, ce que ne peut discriminer un ordinateur, devant qui ces deux interprétations sont simplement deux fichiers distincts, à l'égal de deux chansons différentes.
Cette étude, plutôt qu'un simple sujet de thèse d'un théoricien à la recherche de sujet à développer, est issue de la démarche de quelqu'un portant un profond intérêt à la musique et qui a voulu en savoir davantage sur le processus. C'est ce qui, à nos yeux (ou à nos oreilles...), apporte à cet ouvrage une crédibilité supplémentaire.