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ADISQ - Gala 2006: Décevant malgré quelques prix bien mérités

Commentaire impressionniste de Roger T. Drolet

31 octobre 2006 (QIM) – Si nous avions à récompenser un show télévisé pour l’année qui s’achève, ce n’est certainement pas au 28e Gala de l’Association québécoise de l’industrie du disque, du spectacle et de la vidéo (ADISQ) que nous l’attribuerions.

Si peu de belles surprises (ou pas du tout), une animation tellement peu imaginative de l’humoriste Louis-José Houde (pourquoi lui?) et certains récipiendaires dont la mièvrerie n’a souvent d’égale que l’insignifiance, soit lorsqu’ils exercent leur métier ou simplement lorsqu’ils ouvrent la bouche en public. Que de longueurs et de verbiage superflu pour remercier petites amies et tutti quanti. Il eut mieux fallu mettre un chrono qu’un micro devant une bonne partie de ces récipiendaires de l’intangible.

Sévère le monsieur me direz-vous? Pas tant que ça si on pense que cette production télévisuelle annuelle soi-disant de prestige est supposément le fer de lance de notre fragile industrie qui, par ailleurs, se débrouille fort bien pour occuper une part significative du marché musical malgré une compétition débridée venant de partout mais surtout des États-Unis.

Les fleurs et le pot

Vous ne m’en voudrez donc pas de ne féliciter que ceux qui, à mes yeux, l’ont mérité. Soit par la qualité de leur proposition artistique comme le dirait mon ami Jean-Robert Bisaillon (autrefois du groupe French B) grand défenseur des émergents et alternatifs de la francophonie, soit par celle de l’utilisation qu’ils ont faite du temps d’antenne que le prix leur étant attribué leur permit de glaner.

Sans aucun doute, la palme de bonne conduite, parmi les récipiendaires, va à Ariane Moffatt (Interprète féminine de l’année et Album de l’année - Pop-rock) qui est allée cueillir son premier trophée avec une humilité de bon ton et des remerciements fort bien préparés qui ont été livrés dans un temps record. Bravo ma belle.

Le trophée de l'Album de l’année - Populaire, c’est "La forêt des mal-aimés" de Pierre Lapointe qui a justement supplanté les albums de moindre créativité.

Un prix ex-æquo dans la catégorie Auteur ou compositeur de l’année: Pierre Lapointe et Karkwa ont également eu droit à leur Félix respectif.

Un autre moment intéressant fut celui où Chloé Sainte-Marie reçut le prix du Spectacle de l’année - Interprète pour "Parle-moi", un honneur qui lui revenait assurément. Sa brève plaidoirie pour le soutien aux aidants naturels réveilla peut-être quelques consciences engourdies parmi les politiciens présents et les téléspectateurs. Pour nommer la gagnante, les présentateurs Lynda Thalie et Luc De Larochellière ont réussi à interpréter une petite chanson (préparée tout de même), dont le texte a été fabriqué à partir des titres des spectacles en nomination. Intéressant.

D’après vous, qui est l’artiste québécois s’étant le plus illustré hors Québec en 2005-2006? À moins de se désintéresser complètement de la scène musicale, chacun sait que c’est le groupe Simple Plan qui tourne autour de la planète rock avec un succès semblable à celui de plusieurs vedettes du monde anglo-américain. L’ADISQ a changé ses règlements pour ne pas faire passer cette réussite improbable dans l’ombre.

Ouverture de l’Association envers les artistes différents

L’une des bonnes raisons de nous réjouir de la tenue de cet événement annuel qui va sur ces trente ans, c’est bien l’ouverture manifeste à l’égard des artistes émergents et ceux dits alternatifs qui ont eu leur moment de gloire, contrairement à l’ancienne façon de faire qui les excluait au profit de la pop matantedominante dans l’industrie radiophonique québécoise.

Les prix attribués à Kaïn (Groupe de l’année), Malajube (Révélation de l’année) et Champion et ses G-Strings (Spectacle de l’année - auteur-compositeur-interprète) témoignent de cette réconciliation des anciens et des modernes.

Hommage à la diva Dufresne

Moment d’émotion attendu, mais à moitié réussi, fut l’hommage accordé cette année à la grande Diane Dufresne (l’outsider) qui assistait exceptionnellement à la soirée, mais du balcon du Théâtre Saint-Denis à Montréal, où elle se trouvait plus confortable parmi le public. Avant qu’elle ne prononce en toute sobriété quelques mots de remerciement, plusieurs chanteurs dont Daniel Lavoie et Pierre Flynn ont interprété sagement l’une des belles oeuvres de la diva intitulée simplement "Que". Il me semble que la production aurait gagné à bénéficier d'un peu plus de faste pour la circonstance.

En panne d’idée

Pour le reste de l’événement (qui a tout de même duré plus de 3 heures), rien de bien remarquable sauf peut-être le numéro d’ouverture et si j’ai oublié quoi que ce soit qui mérite VRAIMENT une main d’applaudissements, n’hésitez surtout pas à me le faire savoir. Je prends les critiques, moi.

Ne venez pas me dire qu’avec 215 disques, 54 spectacles, 54 vidéoclips et 12 émissions de télévision proposés pour l’année, il n’y avait pas moyen de faire mieux! Je ne vous croirais pas.

Des idées? En veux-tu...

Chaque artiste, l’année durant, se produit sur scène, enregistre des disques, des télés, en fait la promo, etc. avec SON équipe, SA gang. Il ne peut en être autrement, si on exclut certaines manifestations spécifiques comme les FrancoFolies ou le Festival d’été de Québec. Alors pourquoi ne pas créer un buzz collectif en mélangeant les genres, les interprètes, en imaginant des flash, en surprenant la galerie quoi? Un vieil adage dit que lorsqu’on pose une question, il faut en connaître la réponse. Hé bien voici la mienne: l’industrie est frileuse et chacun veut avoir sa visibilité bien à lui. Quant au télédiffuseur, il veut du rating. Et là aussi, on est sur le mode défensif. Il ne faut surtout pas choquer ou dépayser l’auditoire. Alors, on joue pépère. On préfère perdre le téléspectateur, de guerre lasse, que de le provoquer et qu’il ait, oh sacrilège, l’idée de changer de chaîne. Mais attention, je ne suggère pas une provocation bas de gamme avec des « faque t’sé veux dire » ou des inepties vulgaires mais de rehausser LA chanson avec tout ce qu’elle autorise de créativité et ce que les moyens techniques permettent maintenant.

Et puis, il y a le nombre de statuettes attribuées. On en dénombre précisément 60. C’est tout de même énorme pour notre petit marché. Autre résultat du lobby des industriels de business et de la catégorisation outrancière des genres.

Depuis quelques années, on avait décidé de produire un autre gala, hors d’ondes celui-là, puisque celui mis en ondes ne suffisait plus. Maintenant, on diffuse aussi cet autre événement, près d’une semaine avant le gros show mais sur une autre chaîne (ARTV) et avec des prix, disons plus spécialisés pour faire poli. Quelle affaire! Même les gens du milieu et les artistes eux-mêmes y perdent leur latin (ou quelle que soit la langue qu’ils parlent). Il faut avoir accès à la liste officielle des 2 galas pour savoir combien de Félix a gagné son artiste préféré! Vraiment, cela demande à être repensé.

Oui, je suis pour une visibilité maximale des créateurs musicaux d’ici sur tous les médias, ils en ont un besoin impérieux. La minuscule équipe de Québec Info Musique est bien placée pour parler puisqu’elle produit à bout de bras, depuis plus de 7 ans, un site Web de référence sur les artistes et les entreprises du secteur ainsi qu’une série radio (en collaboration avec l’ANIM) diffusée par 50 stations du Québec, du Canada et de la France. Nous faisons notre gros possible pour informer le public de ce que les créateurs leur offrent. Qui aime bien, châtie bien dit-on quelquefois. C’est la médecine que je préconise afin que le milieu musical ne se pénalise pas par excès de narcissisme via les producteurs membres de leur association et les formats de la télévision, même publique.

Il y a beaucoup de nos concitoyens qui ne veulent rien savoir du produit musical québécois. Pourquoi? Et si on essayait de renverser ce fâcheux préjugé comme l’industrie du cinéma (et les artisans eux-mêmes) a réussi à le faire!

Meilleure chance l’an prochain à l’ADISQ et à Radio-Canada.

N.B. Pour les intéressés, plusieurs artistes récompensés ou en nomination seront reçus en entrevue lors de l’émission radio Chansons QIM’ANIM lors de la saison prochaine.

Et les grands gagnants sont les artistes suivants et leurs équipes:

  • Ariane Moffatt: 3 Félix - pour Interprète féminine de l'année, Album de l'année - Pop-rock, DVD de l'année,
  • Pierre Lapointe: 3 Félix - pour Album de l'année - Populaire, Auteur ou compositeur de l'année, Arrangements de l'année
  • Malajube: 3 Félix - pour Révélation de l'année, Album de l'année - Alternatif, Pochette de disque de l'année
  • Robert Charlebois: 3 Félix - pour Anthologie de l'année, Conception d'éclairage de l'année, Sonorisation de l'année
  • Karkwa: 3 Félix - pour Auteur ou compositeur de l'année, Prise de son et mixage de l'année, Réalisation de l'année
  • Simple Plan: 2 Félix - pour Artiste s'étant le plus illustré hors Québec, Album de l'année - Anglophone
  • Sylvain Cossette: 2 Félix - pour Mise en scène de l'année, Scripteur de l'année

Pour connaître les autres lauréats, visiter le site Web de l'ADISQ