Un commentaire de Richard Baillargeon
3 décembre 2008 (QIM) - Le titre Rock'n' Romance, qui a déjà été utilisé sur disque et qui coiffe la récente biographie de l'artiste, signée par Mario Bolduc, est on ne peut plus approprié. Le parcours de la chanteuse Nanette Workman s'est à maintes reprises partagé entre une carrière atypique et une vie personnelle aux nombreux rebondissements, de son enfance à Jackson USA jusqu'à nos jours.
À la lecture de cette rétrospective sans complaisance, on comprend qu'elle ait choisi d'intituler un de ses récents albums "Mississippi Rolling Stone". Car celle qui a été la muse d'artistes notoires, de Tony Roman à Johnny Hallyday, avant d'incarner les fantasmes des années disco avec ses interprétations de chansons audacieuses en leur époque, a aussi joint sa voix à des enregistrements de trois ex-Beatles, de Badfinger et des Rolling Stones. Elle aura vraiment été, plus que toutes ces célébrités, une authentique « pierre qui roule », au sens que lui donnaient les vieux bluesmen de sa terre natale. Pas étonnant qu'elle se soit tournée vers le blues, après avoir contribué aux vagues yé-yé, rock, disco, de même qu'aux opéras-rock Starmania et La légende de Jimmy, entre mille projets aux fortunes inégales.
Si la matière première de ce livre est riche d'une vie bien remplie, la façon qu'a Mario Bolduc de la raconter rend le résultat encore plus palpitant. La construction du récit rappelle que l'homme a ses gallons de scénariste, utilisant à bon escient les retours dans le temps (flashbacks), les gros plans sur un détail significatif et laissant à la principale intéressée le loisir de commenter hors-champ.
Quant à la narratrice, que ce soit dans ses propres mots ou à travers les mises en contexte documentées par l'auteur complice, elle fait preuve d'une transparence et d'une franchise qui peuvent parfois déranger. On constate qu'elle a pris l'exercice au sérieux. Pas question de maquiller ses faiblesses ni de s'accorder le beau rôle. Peut-être simplement un besoin de confidence?
Ceux que les péripéties sentimentales pourraient gêner préféreront l'aspect « témoignage d'une génération » qui sert de trame de fond. Un témoignage qui, pour le volet québécois, peut faire penser à Avant de m'en aller de Mario Roy, qui détaillait l'odyssée de Gerry Boulet, ou encore à l'autobiographie de Pierre Harel. Cependant, la trajectoire de Miss Workman ratisse passablement plus large, nous transportant de la scène du Peppermint Lounge, à New York, où elle prenait plaisir à accompagner les Young Rascals, jusqu'aux studios mythiques du Londres des Beatles et des Stones, en passant par les tournées hivernales dans le Québec des années 60 et les escales du Johnny Circus en Europe ou en Afrique, quelques années plus tard. Rarement vie publique, vie intime et vie familiale ont été si étroitement liées dans un même ouvrage.