Nom véritable | Michel Seunes |
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Aussi connu sous | Michel Conte, Melki Makhandar |
Naissance | 1932-2008 |
Carrière professionnelle | 1955-2008 |
Il est admis que les grandes chansons sont celles qui s'incrustent dans la mémoire collective au point qu'on en oublie parfois l'auteur ou le compositeur. Il en est ainsi d'une des oeuvres écrites par l'artiste à qui est consacrée cette page. Il est même arrivé que certaines personnes l'interprètent en croyant qu'il s'agissait d'un refrain provenant du folklore des siècles passés. Pourtant la chanson "Évangéline", créée sur disque et sur scène par la chanteuse Isabelle Pierre en 1971, a bel et bien un auteur contemporain en la personne de Michel Conte.
Cet artiste apatride et multidimensionnel a connu un parcours des plus singuliers comme vous pourrez le découvrir ci-dessous. Parti de la Gascogne, il se rend à Paris au début des années 1950 où il se familiarise avec les disciplines de l'écriture musicale, de l'orchestration et du ballet. À l'automne 1955, il traverse l'Atlantique, à destination du Nouveau Monde, avec la ferme intention de s'y faire reconnaître comme auteur-compositeur-interprète.
S'étant rendu à Montréal, alors métropole canadienne, il déniche un emploi de pianiste mais se laisse très tôt séduire par la télévision, une nouveauté alors en plein développement. Il est impressionné par le sentiment d'urgence et d'exigence du direct, par le défi renouvelé quotidiennement, chaque émission étant « à la fois une première et une dernière » comme il le dira plus tard dans un roman autobiographique publié en 1980.
Pendant une décennie entière, de 1956 à 1966, il agira comme chorégraphe pour ce média, amené progressivement à concevoir les mouvements non plus en fonction d'un public de salle, soit de face, mais plutôt en fonction des caméras, jouant avec les angles, les profils et plus tard la couleur, les ralentis et autres effets qui naîtront de la technologie, contribuant ainsi à créer un langage nouveau, au service de diverses formes d'art: variétés, musique classique, jazz, opérette, opéra.
Mais le Gascon caresse toujours le projet de s'imposer comme auteur-compositeur. Lucille Dumont est la première à se faire son interprète sur disque, fin 1963. Puis c'est au tour de Monique Leyrac d'inscrire quelques titres de Conte à son répertoire. Mais la renommée viendra quelques saisons plus tard, quand Renée Claude chantera "Shippagan", son premier clin d'oeil à l'Acadie. Cette interprète y trouvera son premier succès de grande envergure et le village en question y gagnera une vocation touristique. Quant à l'auteur-compositeur, il sera fait citoyen d'honneur de l'endroit l'année suivante.
Au printemps 1965, Michel Conte tente une première incursion sur le terrain de la comédie musicale. "Le Clan", mettant en vedette Pierre Nolès, Denise Brousseau ainsi qu'une demie-douzaine de participants, sera la seule initiative du genre à voir le jour au cours de la période yé-yé. L'esprit teenager de cette tragédie à la West Side Story s'avère un avant-goût des opéras-rock qui surgiront au cours de la décennie suivante. Michel y contribue au niveau des textes, du scénario, de la mise en scène et de la chorégraphie. La direction musicale est assurée par Michel Robidoux, fils de Fernand et futur complice des Charlebois, Gauthier, Ferland, etc. Les jeunes apprécient; la presse est muette, ou presque. Trop tôt?
Ses prochaines compositions seront celles de son propre album, "Michel Conte chante Michel Conte". Les chansons "Jean-Sébastien", "Je me souviens", et plusieurs titres déjà chantés par Dumont et Leyrac sont au programme. On lui propose bientôt de monter un ballet à l'occasion d'Expo 67 qui approche à grands pas. Hélas, la représentation de Pointes sur glace essuiera des critiques négatives et sera de courte durée.
Suite au succès de "Shippagan" d'autres artistes s'ajoutent à sa liste d'interprètes. Donald Lautrec emprunte "Je veux t’aimer longtemps", que l'auteur vient de graver sur son second microsillon "Michel Conte chante une histoire d'amour". Mais son prochain projet se veut plutôt une oeuvre musico-dramatique. Inspirée d'un fait divers - la fin tragique de Monica Proietti, une habituée des braquages de banque - Monica la mitraille met en vedette Denise Filiatrault et bouscule le monde de la scène, utilisant le langage populaire québécois. Ce spectacle dont le livret est écrit par Robert Gauthier ne demeure toutefois à l'affiche que quelques jours, interrompu pour une sombre affaire de permis de travail. Une représentation a tout de même été donnée à la Place des Arts le 7 juillet 1968. Le timing était excellent: deux mois plus tard, Les Belles-soeurs vont triompher au Rideau Vert.
On retrouve la trace de Conte en 1969, alors que la scène culturelle est en pleine effervescence suite aux impacts majeurs de Robert Charlebois et de Michel Tremblay. Michel Conte prépare un nouveau spectacle qu'il va présenter dans diverses églises du Québec, Aimons-nous les uns les autres. Les réactions sont extrêmes: d'aucuns apprécient l'ouverture d'esprit qu'il apporte mais d'autres l'accusent d'être l'anté-christ! La maison de disques Polydor, qui avait produit l'album de "Monica la mitraille", grave "Aimons-nous les uns les autres" sur 33 tours. L'album est produit par Stéphane Venne. Conte y pose devant une église en compagnie d'acolytes aux allures... de motards! Une sortie est envisagée en France, chez Vogue, mais le séjour de la troupe en France rencontre les mêmes résistances.
De retour au Québec en 1970, Michel participe au concours La Clef d'or organisé par Jacqueline Vézina, suggérant que sa nouvelle création "Viens faire un tour" soit interprétée par Renée Claude. La chanson y obtient le grand prix. Trois ans plus tard, c'est Julie Arel qui récolte l'Orphée d'or aux Olympiades de la chanson à Athènes, avec la chanson "Kamouraska". Michel Louvain, Michèle Richard auront aussi recours à son inspiration. Quelques mois plus tard, Isabelle Pierre crée "Évangéline" que l'on fredonne plus que jamais au XXIe siècle.
Lise Thouin devra à Michel Conte ses deux seuls succès "Les colombes" et "Bingo", chansons thèmes de films de Jean-Claude Lord. Tout en plaçant des succès aux divers palmarès, le compositeur s'attaque à des créations de plus longue haleine: Ballade, dont le sujet provient d'une pièce d'Arthur Samuels, puis un opéra rock basé sur le Cantique des Cantiques. Entre temps, le compositeur-chorégraphe monte un studio d'Expression Corporelle, discipline alors inédite, destiné à ceux qui veulent apprendre à s’exprimer par le geste sans nécessairement en faire un métier. Le cours connaît un succès soutenu et de nombreuses autres écoles s'en inspireront dans les années qui suivent. C'est avec des élèves de ses cours qu'il crée Option-Québec, Solution-Québec, une formule qui intègre la danse le théâtre et la musique dans un même spectacle.
Conte compose alors plusieurs musiques à l'intention de routines pour des gymnastes et est invité à aller enseigner à l'équipe olympique féminine de l'Université Tokai, au Japon. Quelques mois après ce séjour au pays du Soleil levant, le compositeur se voit confier l'écriture de musiques pour les défilés et cérémonies officielles des épreuves de gymnastique lors des Jeux Olympiques de Montréal. Dans les mois qui suivent cet événement de prestige, il grave "La source coule" où sa voix se marie à celle d'Angela Laurier, gymnaste-danseuse à l'aube d'une carrière internationale dans le monde du cirque réinventé. Suivront le spectacle et l'album "Les enfants du ciel".
L'artiste publie ensuite deux récits aux Éditions de Mortagne: Le prix des possessions en 1979 et le roman autobiographique Nu... comme dans nuages, l'année suivante. Il adopte bientôt le nom de Melki et migre à nouveau vers des horizons inédits, s'installant aux Îles Canaries, au large du Maroc. Il continue de composer dans une veine s'approchant du mouvement Nouvel Âge et ses activités présentent désormais un côté méditatif sinon thérapeutique.
Ses chansons continuent de vivre d'elles-mêmes, sans que le grand public ne fasse référence spontanément à leur auteur. En 1994, à l'occasion du premier Congrès Mondial Acadien, la chanson "Évangéline" va connaître un retour éclatant, interprétée en duo par Marie-Jo Thério, alors comédienne dans l'émission télévisée Chambres en ville, et par la cantatrice Rosemarie Landry. D'autres la reprendront sur disques dont Carolyne Jomphe, Les Muses, Marie-Jo elle-même en solo sur son album "Les matins habitables", sans oublier Annie Blanchard qui en fait un des points forts de la saison 2005 de l'émission Star Académie version québécoise. Cette interprétation vaudra à "Évangéline" le statut de Classique de la SOCAN et un trophée à titre de Chanson de l'année au Gala 2006 de l’ADISQ.
Début 2008, alors que se préparait la sortie de la compilation "Viens faire un tour" et quelques mois à peine après la parution de l'ouvrage Évangéline ou L’amour en exil, où l'auteur-compositeur présentait le contexte ayant inspiré chacune de ses chansons, on apprenait le décès de Michel Conte à l'âge de 75 ans.